La procrastination, le manque de sommeil et une capacité de concentration réduite font partie du prix à payer pour les applications mobiles gratuites. Voilà du moins ce qu’affirment des chercheurs qui se sont penchés sur les coûts cachés de ces logiciels.
Comme le rappellent les auteurs de ces travaux publiés dans Digital Policy, Regulation and Governance, notre attention numérique représente une façon de faire des profits pour des compagnies comme Google et Meta, la maison-mère de Facebook.
En analysant nos comportements, ces entreprises peuvent personnaliser les publicités qui nous sont destinées; notre attention devient donc un produit vendu aux annonceurs. Par exemple, affirment les chercheurs, les trois milliards de personnes se tournant vers YouTube, chaque mois, généreraient environ 60 milliards de dollars en revenus, le tout largement à partir de services considérés comme gratuits.
Et si, bien souvent, ces données sur nos comportements sont recueillies à travers des applications mobiles gratuites, selon les chercheurs de l’Université de Linköping et de l’organisation RISE, il existe des coûts supplémentaires associés à ces logiciels, en plus des données personnelles.
« Repousser les choses à plus tard, c’est-à-dire procrastiner, est le principal coût caché. Mais le manque de sommeil, la perte de la capacité de concentration et les applications grugeant le temps habituellement consacré aux contacts physiques avec ses proches, ou le temps accordé aux loisirs ou à l’entraînement, font aussi partie des impacts inattendus. Et pour les utilisateurs, il peut être difficile de mettre le doigt sur le problème », soutient Martin Mileros, l’un des responsables de l’étude.
Un jeu à coût nul?
Les chercheurs se sont penchés sur ce qui est appelé économie à prix nul, ce qui signifie qu’un fournisseur propose ses services en échange des données et de l’attention de l’utilisateur, sans que de l’argent ne change de mains. Dans le contexte économique traditionnel, le coût, pour l’individu, correspond à la valeur aux yeux de l’entreprise. Mais dans cette économie à coût nul, les frais et la valeur ne sont plus liés.
Même si l’échantillon ayant servi à l’étude n’est pas jugé comme étant représentatif, les auteurs des travaux croient malgré tout que les résultats obtenus donnent une bonne indication de la façon dont les utilisateurs envisagent les coûts cachés, en lien avec leurs données personnelles.
« Nous pouvons constater que plusieurs utilisateurs sont grandement favorables à la protection de la vie privée et à la transparence. De plus, l’étude démontre que les individus préfèrent effectuer un achat unique, pour leurs applications préférées, afin de protéger leurs données, plutôt que d’utiliser des services qui sont gratuits, mais qui recueillent leurs informations », a indiqué M. Mileros.
En plus de réclamer davantage de transparence de la part des entreprises, les chercheurs demandent aux décideurs politiques d’imposer des demandes plus strictes à ces compagnies, afin que les coûts cachés potentiels soient dévoilés au grand jour.
« Plusieurs applications sont conçues pour nous rendre plus ou moins dépendants d’elles. Les enfants et les jeunes sont particulièrement vulnérables. Il devrait y avoir des restrictions plus sévères dans plusieurs applications, mais aussi des informations à propos des coûts cachés. Vous pourriez comparer cela aux avertissements visuels sur les paquets de cigarettes. Et pour les usagers, il est important de comprendre ces coûts cachés potentiels et d’effectuer des choix mieux informés », a encore mentionné M. Mileros.
Mais même si l’étude révèle bel et bien l’existence de coûts cachés, le chercheur estime que plusieurs utilisateurs peuvent encore retirer des avantages et du plaisir en se servant de ces applications gratuites.
« Vous pouvez trouver de l’information, clavarder, et ainsi de suite. Et vous pouvez aussi changer d’application sans trop de problèmes si vous n’aimez pas quelque chose. Et donc, cela pourrait être vu comme une situation gagnant-gagnant où l’entreprise et l’individu en retirent un bénéfice. Mais il est facile d’oublier les autres aspects de l’utilisation de ces applications. »