Sur scène, quatre protagonistes, chacun enfermé dans sa chambre, incapables d’en sortir. Ou s’agit-il de la même personne, de la même pièce? Ces gens, qui semblent voués à un éternel recommencement, à une constante remise en question, existent-ils réellement? Bienvenue dans Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse.
Au bout du fil, l’auteur et le metteur en scène de l’oeuvre, Gabriel Charlebois-Plante, ne cache pas son plaisir de remonter sur les planches, après un première passage remarqué à La Chapelle, en avril dernier. « C’est enthousiasmant quand on crée quelque chose… C’est une sorte de théâtre qui est à chaque fois un nouveau laboratoire sur comment faire du théâtre; on ne part pas avec des a priori. Nous sommes dans la recherche, nous sommes dans la théâtralité. Des fois, ça rencontre le public;Po des fois, ça le rencontre moins », mentionne-t-il.
« Quand le public est au rendez-vous, c’est agréable, surtout quand il y a une excitation, autour de cette recherche-là. Mais on connaît aussi la situation des arts, au Québec; voilà pourquoi on finance (cette nouvelle version de la pièce, NDRL) à même nos fonds… Toutefois, on trouvait important de faire revivre cela aux spectateurs », a encore indiqué M. Charlebois-Plante.
Dans la salle du Prospero, la semaine dernière, le public a eu droit à une performance particulièrement physique. Installés sur plusieurs tonnes de roches, nos quatre acteurs tempêtent, errent, s’interrogent, déclament… Toujours en foulant cette pierraille, cette caillasse, autant symbolique d’un côté « terre à terre » que de la lourdeur de l’existence.
Tenant à la fois du mythe de Sisyphe, cette figure mythologique condamnée à constamment pousser un rocher le long d’une pente, pour ensuite devoir recommencer – voire de l’oeuvre de Camus du même nom –, mais aussi des oeuvres absurdes de Beckett et de Ionesco, Cette colline n’est jamais silencieuse combine donc le drame fondateur et l’humour décapant. Le tout dans un contexte où le cynisme semble lentement l’emporter sur les autres émotions. Cynisme face à la situation économique; cynisme face à la crise du logement; cynisme face à la guerre en Ukraine et au Proche-Orient, cynisme devant l’incurie de nos gouvernements.
« Il y a peu d’éléments dans le spectacle, mais chacun d’entre eux est précisément calibré. Même la maladresse est très précise… Il est sûr que les dimensions de la salle, l’équipement, tout cela a dû être revu depuis La Chapelle. Au Prospero, on a d’ailleurs un peu de liberté, ça fait du bien », a souligné l’auteur et metteur en scène.
D’ailleurs, pour M. Charlebois-Plante, il s’agit moins d’une relecture directe du mythe de Sisyphe que d’utiliser celui-ci comme « moteur ». « Avec le temps, les thèmes sont venus s’ajouter à notre travail théâtral. Et nous avons aussi choisi d’ajouter un projecteur qui suit nos personnages, après s’être dit que s’il existe un enfer où nos protagonistes doivent constamment transporter un rocher en haut d’une pente, il doit existe un dieu, ou encore un geôlier, qui l’observe. D’où l’idée du projecteur. »
Toujours au dire de l’auteur et metteur en scène, l’humour joue beaucoup, ici, pour « engager » le public. « On peut rire de quelque chose qui n’est pas très drôle, dans le fond! », lance-t-il en riant.
Pièce très vivante, pièce très physique, pièce drôle, pièce triste, pièce qui fait réfléchir… Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse est un gros morceau théâtral, le genre d’oeuvre qui sort du cadre et qui surprend. Quelque chose dont nous avons bien besoin, en ce moment.
Cette colline n’est jamais vraiment silencieuse, texte et mise en scène de Gabriel Charlebois-Plante, avec Philippe Boutin, Amélie Dallaire, Papy Maurice Mbwiti et Élisabeth Smith
Au Théâtre Prospero jusqu’au 19 octobre 2024