On a beaucoup parlé, et avec raison, du sort des parents et de la famille de Julie Surprenant, cette adolescente enlevée en 1999. Ce que la très bonne pièce Julie, écrite et mise en scène par Sarianne Cormier et présentée au théâtre La Licorne, réussit à faire, c’est de s’intéresser à ses anciens camarades de classe.
La question se pose, en effet: au moment où les choses se bousculent, dans la vie déjà en transformation de ces jeunes gens, comment peut-on vivre un tel deuil? Comment peut-on gérer ce mélange d’horreur et de banalité? D’autant plus que le corps de la jeune fille n’a jamais été retrouvé…
Inspiré par ce qu’a directement vécu Mme Cormier, qui était l’une des amies de Julie Surprenant, et par leurs camarades de classe, la pièce allie habilement drame et humour pour tenter d’expliquer des sentiments toujours à vif, un quart de siècle plus tard.
Il faut ainsi voir ces adolescents, d’ailleurs joués par des comédiens eux aussi largement jeunes, chercher à mettre des mots sur des sentiments clairement indescriptibles. Mais à travers la colère, la tristesse, voire la culpabilité, il y a aussi une volonté de continuer à vivre, un désir de s’émanciper de cette banlieue, de cette ville-dortoir déjà synonyme d’ennui et de mal-être, mais désormais associée directement à l’incertitude et à la mort.
D’ailleurs, toujours dans ce contexte, on observe en filigrane les dynamiques adolescentes qui ont toujours percolé dans ces polyvalentes bétonnées sans âme: les cliques, les amitiés, les amours, la peur d’être jugé(e)… Oui, le public était clairement adulte, dans la salle, au moment de la représentation, plus tôt cette semaine, mais ces années ont été marquées au fer rouge dans la tête de bien des gens. Et il n’en fallait pas beaucoup pour se rappeler ces souvenirs d’adolescence… Drame terrible en moins, bien entendu.
Avec de très bons comédiens – saluons notamment le jeu de Jules Ronfard, Clémence Dufresne-Deslières, Valérie Tellos et celui de l’excellente Lyna Khellef – et une savante utilisation d’un espace scénique réduit, Julie est une oeuvre particulièrement solide qui permet un savoureux télescopage entre drame et humour, le tout en lien avec un drame qui hante toujours la mémoire collective du Québec. À voir.
Julie, écrit et mis en scène par Sarianne Cormier
Avec Xavier Bergeron, Pénélope Ducharme, Clémence Dufresne-Deslières, Lyna Khellef, Jules Ronfard, Madani Tall et Valérie Tellos
Présenté à La Licorne jusqu’au 16 novembre
Un commentaire
C’est un excellent spectacle qui a été présenté à Repentigny, dans Lanaudière. Ça fait maintenant 25 ans que Julie Surprenant est disparue, en novembre 1999, sans laisser de traces. Elle n’avait que 16 ans et fréquentait son école secondaire. On ne peut que s’attendre au pire avec ce genre d’évènement. Plusieurs années plus tard, les aveux d’un voisin agonisant s’ajouteront à cette inquiétude. Tout ça sert de base à cette présentation.
Ces 7 artistes nous ont vraiment impressionnés durant un peu moins de 1 h 45 sans entracte. Un d’entre eux était habile avec les tambours, tout en connaissant son texte. Ils personnifiaient tous des étudiants et des amis de Julie. Les larmes ne manquaient pas, bien qu’à la fin un party de graduation ajoutait un peu de gaieté et de couleurs à cette pièce de théâtre. Une photo grand format de Julie n’aurait-elle pas été préférable à son fantôme?
J’ai bien aimé le décor ayant une forme rappelant 3 portes de garage, chacune s’ouvrant pour nous faire découvrir un nouveau décor, qui se modifiait par la suite. C’était une surprise à chaque ouverture d’une porte. De plus, il y avait aussi des projections d’images animées sur cette surface : un cours d’eau qui coule et de la neige qui tombe. C’était vraiment bien pensé pour retenir l’attention du public. Je n’ai pas vu le temps passer. Un gros bravo!