Créer une génération de gens n’ayant jamais fumé pourrait permettre d’éviter quelque 1,2 million de décès imputables au cancer du poumon; c’est du moins ce qu’affirment les auteurs d’une nouvelle étude publiée dans The Lancet Public Health.
Ces travaux de recherche, basés sur des simulations, laissent entendre qu’interdire la vente de produits du tabac aux gens nés entre 2006 et 2010 pourrait donc sauver 1,2 million de vies et éviter autant de cancers dans 185 pays, d’ici l’an 2095.
Ainsi, la création d’une « génération sans tabac » pourrait réduire l’impact de la cigarette en lien avec les décès liés au cancer du poumon chez ceux et celles faisant actuellement partie des jeunes adultes, mais aussi chez ceux qui les suivront.
Comme le rappellent les auteurs de l’étude, le tabagisme est la principale cause de décès évitable de la planète. Il s’agit aussi du plus important facteur de risque du cancer du poumon, et serait responsable de plus des deux tiers de 1,8 million de personnes qui meurent de cette maladie, chaque année.
« Le cancer du poumon tue beaucoup de gens, partout dans le monde, et une grande partie de ces morts sont liées à un facteur de risque évitable – le tabagisme. Notre modélisation démontre à quel point les gouvernements pourraient réaliser des gains en envisageant des plans ambitieux pour créer une génération sans tabac », affirme l’autrice des travaux, la Dre Julia Rey Brandariz, de l’Université de Saint-Jacques de Compostelle, en Espagne.
« Non seulement cela pourrait-il sauver un grand nombre de vies, mais cela pourrait aussi très largement réduire la pression sur les systèmes de santé, qui doivent soigner les gens rendus malades par le tabagisme. »
Aucun pays ne possède présentement de loi interdisant de vendre des produits du tabac aux jeunes. En Nouvelle-Zélande, une législation bloquant la vente de tels produits à quiconque né en 2009 ou les années suivantes a récemment été renversée.
Jusqu’à présent, écrivent encore les chercheurs, peu d’études se sont penchés sur les impacts de l’interdiction de la vente de produits du tabac chez des groupes d’âge spécifiques, la plupart s’intéressant aux avantages en matière de santé publique, plutôt qu’aux décès.
Plus de danger dans les pays pauvres
Dans le cadre des nouveaux travaux, les futurs taux de mortalité imputables à un cancer du poumon ont été calculés à partir de données provenant de 82 pays et intégrées au sein d’une banque de l’Organisation mondiale de la santé. Ces possibles taux ont ensuite été appliqués à des informations contenues dans une autre base de données, portant cette fois sur les statistiques mondiales liées aux cancers.
Ultimement, les scientifiques ont cherché à déterminer les futurs taux de cancer du poumon chez les gens nés entre 2006 et 2010, et ce dans 185 pays.
Selon l’analyse, donc, 1,2 million de cancers du poumon mortels pourraient être évités dans 185 pays si le tabagisme était éliminé chez les gens nés entre 2006 et 2010. Cela permettrait de réduire d’environ 40% les morts imputables à cette maladie (sur un total de 2,9 millions) qui devraient survenir, au sein de ce groupe d’âge, d’ici 2095.
Chez les hommes, près de la moitié des cancers du poumon mortels prévus pourraient être évités, et près d’un tiers de ceux attendus chez les femmes, indique l’étude.
Si une telle interdiction de vente des produits du tabac entrait en vigueur, l’impact chez les hommes se ferait surtout sentir dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Chez les femmes, on parle plutôt de l’Europe de l’Ouest.
Au final, mentionne-t-on, les pays pauvres et à revenu moyen seraient les plus épargnés, si l’interdiction était appliquée.
« Si le tabagisme est en recul dans les pays industrialisés depuis quelques années, le cancer du poumon y demeure l’une des principales causes de mortalité. Dans les pays plus pauvres, où l’on trouve un grand nombre de jeunes, l’impact de l’interdiction de la vente de tabac pourrait être encore plus important », soutient une autre autrice de l’étude, la Dre Isabelle Soerjomataram, de l’International Agency for Research on Cancer.
« L’une des raisons pour lesquelles l’élimination du tabagisme pourrait sauver tant de vies dans les pays plus pauvres est que ceux-ci tendent à disposer d’une population plus jeune qu’ailleurs. Le fait de fumer y est aussi plus populaire, alors que cette activité est en perte de vitesse dans plusieurs pays industrialisés. »
« S’il est important de redoubler d’efforts pour éliminer le tabagisme dans toutes les régions du monde, cela est particulièrement important dans les pays moins développés », a encore indiqué la chercheuse.