La pièce de Gary Owen, Iphigenia in Splot¸ traduite et adaptée pour le public québécois et même montréalais par Alice Tixidre sous le titre d’Iphigénie à Point aux-, est très bien construite, pleine de drôleries un peu crades, mais finalement assez subtile.
La mise en scène et la scénographie signées Isabelle Bartkowiak tirent bien partie du texte et de la configuration de la salle intime du Prospero. Quatre très bonnes actrices interprètent le rôle d’Effie, toutes simultanément, elles qui racontent l’histoire de cette jeune femme délurée et marginale, effrontée dans ses rapports aux autres, mais qui cache un vrai cœur souffrant et une immense solitude.
Effie ne fait pas vraiment en sorte de réussir sa vie. C’est une jeune femme pleine de vie, mais essentiellement la nuit, qui passe son temps à danser et à boire de l’alcool ou à consommer d’autres produits, et à en être malade ensuite.
Elle méprise Kev, son chum plus ou moins attitré, se dispute avec Lea sa coloc, exploite autant qu’elle peut sa grand-mère et n’hésite pas à affronter les remarques d’une inconnue qui l’agace dans la rue.
Mais elle est joyeuse, drôle dans ses propos et elle se fiche bien de ce que le monde pense autour d’elle. Son histoire s’achève pourtant sur une sorte de sacrifice pour donner un peu de sens à sa vie plutôt misérable.
Finement chorégraphiés, les gestes et les propos des quatre actrices offrent un chœur à Effie, et aussi un cœur, par la même occasion.
Le texte est dit à toute allure, le rythme de la pièce, même s’il est intelligemment coupé de petites poses, a un rythme effréné. On suit très bien le détail et la progression de l’intrigue. Car il y a une vraie intrigue, une rencontre majeure dans la vie d’Effie qui entraîne des conséquences dont on est loin de soupçonner le terme.
Le texte mentionne des expériences et des lieux très montréalais et facilement reconnaissables. Tout va très vite dans les propos de cette quadruple jeune femme impertinente, sans-gêne, impolie et qui n’a peur de rien et sûrement pas d’être mal jugée.
Pourtant, c’est le besoin d’aimer et d’être aimée en retour qui manque tellement à l’héroïne. Avec aussi quelque chose de très authentique et d’honnête, même dans ses rapports avec ce Kev qu’elle décrit sous un jour on ne peut plus désavantageux.
Car une rencontre a lieu. Une rencontre qui change tout pour Effie, mais pas dans le sens qu’elle aurait souhaité et que le spectateur imagine.
Pour la première fois de sa vie, elle ressent le « feeling de ne pas être seule »… et ce sentiment nouveau pour elle, elle n’est pas prête à y renoncer. Les planètes ne sont pas alignées dans ce sens, ou peut-être ne sait-elle pas trop y faire.
Toujours est-il qu’entre son inexpérience, la malchance et les problèmes inhérents à la société, voilà que les choses ne tournent pas à son avantage. Reste l’opportunité, pour elle, de se donner en sacrifice ou d’imaginer qu’elle le fait, peut-être pour avoir le sentiment que sa vie a du sens et qu’elle contribue au bien-être de la société, sentiment qui lui était étranger jusque-là.
Iphigénie à Point aux-
Les Stations sordides et Théâtre Catapulte
Texte original: Gary Owen
Traduction et regard extérieur: Alice Tixidre
Mise en scène et scénographie: Isabelle Bartkowiak
Avec: Katherine Céré, Virginie Charland, Cassandre Mentor et Caroline Tosti
Iphigénie à Point aux-, du 1er au 19 octobre 2024 dans la salle intime du théâtre Prospero, à Montréal