La crise de confiance dans les démocraties suscite plus d’inquiétudes que jamais. Les nouvelles technologies pourraient-elles aider à redresser la barre?
Pour l’instant, c’est plutôt le contraire, résume le magazine The New Scientist qui consacre sa Une à « comment reconstruire la démocratie ». Bien que le dialogue et le débat soit des composants incontournables des démocraties, le dialogue et le débat, tels qu’ils se dégradent sur les réseaux sociaux, ont plutôt « accéléré » la glissade. « Les plateformes de discussion en ligne laissent de côté notre intelligence collective », les conversations « déstructurées » ont pris le dessus, « les gens recourent à des stratégies non productives pour être entendus », se désolent les différents intervenants.
Pourtant, ce n’était pas une glissade inévitable: « capter l’intelligence collective en ligne est possible, comme le démontre le succès de Wikipedia ». Dès lors, si on accepte la prémisse des psychologues et des politologues —qui vont chercher leurs exemples jusque dans la Grèce antique— comme quoi des discussions entre des gens d’opinions différentes sont indispensables pour maintenir en vie une démocratie, est-ce qu’une amélioration du fonctionnement des plateformes en ligne serait la piste de solution?
Le reportage donne en exemple un outil appelé Deliberatorium, créé par le professeur Mark Klein, du Massachusetts Institute of Technology, qui vise à « guider les usagers à travers un processus » logique. Ou bien la possibilité de se servir des derniers outils de l’IA — les grands modèles de langage — pour résumer des discussions de groupe en temps réel, afin de partager ces discussions à de plus grands groupes. Enfin, une expérience menée à l’Université de technologie Delft, aux Pays-Bas, vise à demander à un grand groupe de classer des recommandations (de la meilleure à la pire) d’une assemblée citoyenne, puis de transmettre le tout à une deuxième assemblée citoyenne qui doit alors ajuster les recommandations en conséquence.
Toutes ces idées s’inscrivent dans un contexte où l’extrême polarisation, voire l’hostilité à l’égard de groupes qui sont idéologiquement différents du nôtre, suscitent des craintes quant à l’avenir des démocraties : dans les scénarios les plus pessimistes, elles sont carrément condamnées à sombrer, si les sociétés ne trouvent pas des façons de jeter des ponts entre ces différents groupes. Y compris des groupes de plus en plus convaincus qu’une dictature serait la seule solution valable pour leur pays.
Mais des réformes démocratiques n’ont pas seulement besoin de l’appui des gouvernements, elles ont aussi besoin de celui du public. Même la meilleure « technologie délibérative » n’ira pas loin si les gens sont « résistants aux nouvelles idées et perspectives », souligne le professeur d’informatique Simon Buckingham Shum, de l’Université de technologie de Sydney, en Australie. « Le mot savant serait « humilité épistémique », qui signifie de vous accrocher mollement à vos croyances et d’être prêt à s’ouvrir » aux croyances des autres.