Artiste en vue de la métropole depuis sa nomination de Révélation Radio-Canada en musique du monde 2019-2020, et au Canada avec deux reconnaissances des Juno Awards, l’artiste Djely Tapa a révélé son nouvel opus le 4 octobre.
Dankoroba (Disques Nuits d’Afrique) est né d’enregistrements et collaborations de Bamako à Montréal avec comme fil conducteur les « Sumusso » (les femmes en langue mandingue). Un son traditionnel et actuel grâce aux arrangements du réalisateur émérite Jean Massicotte, à qui l’on doit les albums Glee de Bran Van 3000 ou The Living Road de Lhassa de Sela, parmi tant d’autres. La jeune femme plonge dans le passé de l’Empire du Mandé pour créer un pont contemporain où neuf femmes des 12e et 13e siècles incarnaient un pouvoir féministe politique évincé de la grande histoire. Entretien.
Congrégation féminine du Mandé
Jamais à bout de souffle de lutte féministe et panafricaniste, Djely Tapa a mûri ce projet musical de 12 compositions d’abord comme une historienne. Elle découvre l’existence voilée de neuf femmes ayant vécu à l’époque du guerrier souverain mandingue Soundiata Keita, sur l’actuel territoire du Mali et au-delà.
Ces « Sumusso », membres du gouvernement, veillaient aux lois et à la justice; elles auraient d’ailleurs été à la base de 44 lois gages de l’équilibre de ce vaste empire. Un déclencheur pour l’artiste, fière de ses racines, les louangeant par son chant comme le veut la tradition de griot. « On a encore plus besoin d’elles, de les écouter en tant que femme noire et afro-descendante plutôt que l’influence néfaste des médias ! Prenons exemple sur elles, elles ont tant aidé leur patrie… », lance-t-elle, émue.
Dans sa quête de savoirs du passé, la jeune artiste peut compter sur les connaissances des aînés, de griots comme elle pour recueillir leurs récits. Djely dévore les écrits de Seydou Badian Kouyaté. Le sujet des femmes est inépuisable et concerne le monde entier, soutient la militante citoyenne. Il y a l’effacement de ces femmes d’Afrique, mais aussi la disparition des femmes autochtones ici; il y a à tant faire pour les femmes! Une correction doit être apportée, car l’Histoire n’a pas été écrite par nous, les femmes. Il faut ajouter et réajuster les ancêtres du continent noir à ceux de l’Occident. »
Influente Djely Tapa
Après une résidence au Mali en recherche et création avec l’artiste Adama Yaloumba et plusieurs autres, Djely Tapa a fait appel à Jean Massicotte. L’objectif? Repenser comment cet album peut embrasser sa vision, du traditionnel rythme malien au contemporain, saupoudré de touches électroniques, de synthétiseur. Un ensemble puissant où le reggae et le chant revendicateur s’infiltrent aussi sur Ndö. L’autrice-compositrice-interprète atteint un sommet de collaborations d’envergure avec celui qui l’appelle « petite sœur »: Vieux Farka Touré. Un « grand frère » généreux, ouvert d’esprit qui a tout de suite envisagé son apport au deuxième album de sa compatriote.
Face à son ascension croissante, l’artiste y perçoit la marque de sa généalogie ancestrale. « Quand on est née griotte, rien ne nous étonne. Il est difficile de faire sa place. Ma mère est reconnue dans le monde entier. Pour moi, le succès est le résultat d’un travail bien fait, de corps et d’âme. Je donne tout à l’Art et à mon cheminement artistique. »
Un rêve l’habite: défendre les femmes mais pas seulement par la chanson. Par des actes concrets, pour changer les mentalités et les réalités sociales. Car comme elle l’exprime, « il faut commencer par les femmes, elles doivent s’en sortir avant tout pour un changement radical ».
Lancement de l’album Dankoroba, de Djely Tapa
19 octobre au National, à 20h30
1220 rue Sainte-Catherine E., à Montréal