Fondée en 1986 et dirigée par Medhi Walerski, la compagnie britanno-colombienne Ballet BC propose un triple programme parfaitement réussi pour l’ouverture de la 27e saison de Danse Danse.
Les deux premiers ballets sont chorégraphiés par M. Walerski, qui a contribué entre autres au style novateur du Nederlands Dans Theater, et le troisième par Shahar Binyamini, assistant chorégraphique d’Ohad Naharin et très inspiré par la gaga dance. C’est dire que le spectacle proposé au public montréalais ne peut être qu’à la hauteur de ses attentes.
Sur la scène qui s’éclaire lentement, on perçoit progressivement des silhouettes alignées nous faire face. La musique qui accompagne leur sorte de marche savamment décalée évoque le Sacre du printemps de Stravinsky. L’éclairage bascule d’une atmosphère cinématographique noire et blanche à un monde où dominent des couleurs de feu; la scène est entourée de murs qui basculent pour permettre l’apparition et la disparition des 18 artistes.
Les danses coordonnées subtilement désordonnées, mais aussi les duos spectaculaires… Tout cela contribue à hypnotiser le spectateur et à désirer observer tous les endroits où se meuvent ces artistes d’exception.
On sent, derrière les mouvements de danse contemporaine, la formation classique de tous ces jeunes artistes revêtus de juste aux corps élégants et qui, à plusieurs reprises, disparaissent subitement en s’affalant sur le sol pour immédiatement se relever ensemble et reprendre leurs mouvements réglés au millimètre.
Dans les duos, le chorégraphe apparaît très inspiré par les corps mêmes des artistes en parvenant à tirer le meilleur de chacun d’eux. L’ensemble du ballet intitulé Chamber donne une impression de beauté presque mécanique par moments et de très grandes sensibilités à d’autres, aménageant ainsi les contrastes qu’accompagnent les éclairages et la musique.
La deuxième oeuvre, Silent Tides, est plus facile à déchiffrer, mais non moins émouvante. Un couple merveilleux se côtoie sur la scène sans sembler même se voir. La musique du début, dissonante, mais aussi très contemporaine, se transforme sans qu’on parvienne à savoir comment en une musique de chambre aux instruments à cordes classique et romantique.
Une ligne d’horizon lumineuse s’élève derrière les deux danseurs qui finissent par se voir, se toucher et s’étreindre. Et le ballet, qui fut conçu pendant la pandémie, étend le thème de la rencontre à tous les aspects de l’humanité.
Le troisième ballet, peut-être le plus attendu par le public, est chorégraphié par Shahar Binyamini sur la musique bien connue du Boléro de Ravel.
Si le morceau est relativement court, le spectacle Bolero X est d’une très exceptionnelle intensité avec ses 50 artistes sur scène. Leurs torses couleur chair, leurs jambes et leurs bouches noires apportent à la fois une impression de grande beauté et de légère gêne pour tous ces corps qui passent d’une sorte d’animalité attentive à d’incroyables coordonnés de foule humaine.
Ce n’est pas rien, 50 artistes sur scène. Il a fallu pour cela la collaboration de l’École de danse contemporaine de Montréal, de l’École supérieure de ballet du Québec et de la School of Dance d’Ottawa. Toute cette énergie mise ensemble, ces architectures savamment orchestrées, prouvent à quel point la danse contemporaine est un art qui n’a pas fini d’étonner les spectateurs.
Danse Danse, Ballet BC
Chamber (Medhi Walerski)
Silent Tides (Medhi Walerski)
Bolero X (Shahar Binyamini)
Avec : Sydney Tormey, Vivian Ruiz, Orlando Harbutt, Pei Lun Lai, Rae Srivastava, Sarah Pippin, Sidney Chuckas, Michael Garcia, Nathan Bear, Kaylin Sturtevant, Kelsey Lewis, Kiana Jung, Luca Afflitto, Emanuel Dostine, Emily Chessa, Imani Frazier, Jacalyn Tatro, Joziah German, Benjamin Peralta et Eduardo Jiménez Cabrera.
Un commentaire
Quel bonheur de pouvoir se rendre à pied à une salle de spectacle. Ballet BC a été présenté au Théâtre Hector-Charland à L’Assomption. C’était un gros spectacle avec ses 3 chorégraphies, ses 2 h 30 de durée, et ses 2 entractes qui se prolongeaient trop à mon goût. Le spectacle a subi une cure minceur cependant avec son maximum de 22 danseurs sur scène en même temps.
CHAMBER a été ma chorégraphie préférée avec ses éclairages clair-obscur, ses murs amovibles, sa musique et ses justaucorps translucides. Tout cela a fait de moi un spectateur comblé.
SILENT TIDES était moins impressionnante avec son duo, mais j’ai toutefois apprécié le port des pantalons blancs qui contrastaient avec les pantalons noirs de la chorégraphie suivante. Cette ligne d’horizon lumineuse est restée un mystère pour moi.
BOLERO X n’a pas besoin de présentation, car cette musique rythmée est connue de tous. Le mouvement d’ensemble des 22 danseurs était des plus impressionnant. J’ai adoré la musique tout au long du spectacle.
Sans faire salle comble, ce spectacle de danse aura attiré de nombreux spectateurs et à ma grande surprise avec une moyenne d’âge plus élevée qu’à l’habitude. Mon 41 $ a été un bon placement, car j’en ai eu amplement pour mon argent. Tout récemment le RQD déplorait le sous-financement et la précarité dans le milieu de la danse au Québec. Pourtant Ballet BC n’avait rien de semblable avec un solo présenté dans une petite salle. Tout ça me laisse songeur.