On entend régulièrement parler des déplacements majeurs de populations causés par des inondations catastrophiques au Pakistan ou en Indonésie. Mais aux États-Unis, avec des événements comme les quantités historiques de pluies amenées par l’ouragan Helene, ce sont des dizaines de millions de personnes qui devront tôt ou tard partir.
Et en fait, c’est déjà commencé: des régions côtières de la Floride et du Texas font déjà face à un déclin de leurs populations, et Helene n’était que la plus récente — quoique la plus violente —d’une série de tempêtes qui gagnent en puissance plus vite qu’avant — laissant peu de temps pour évacuer — et qui laissent tomber encore plus de pluies qu’avant.
Dans une recherche parue en 2023, une équipe de plusieurs pays estimait qu’à travers le monde, des centaines de millions de personnes allaient, dans un futur proche, se retrouver littéralement en-dehors de leur « niche écologique » — c’est-à-dire être forcées de quitter l’endroit qu’elles ont toujours habité, sans réelle possibilité de recommencer ailleurs, faute d’avoir les revenus nécessaires. Un reportage du New York Times Magazine paru en 2020 estimait que rien qu’aux États-Unis, des dizaines de millions d’Américains allaient se retrouver dans cette situation. Cette semaine, dans la foulée des dégâts laissés dans un corridor de plus de 600 kilomètres, on apprenait que, selon une estimation de l’agence gouvernementale FEMA, à peine 4% des propriétaires avaient une assurance contre les inondations. Dans les régions les plus touchées par les dégâts de la dernière semaine, cela pourrait être aussi peu que 2%.
Cela signifie qu’un grand nombre de gens vont partir pour ne plus revenir, et que d’autres vont rester dans des régions qui seront de plus en plus abandonnées. Le magazine Pro Publica en parle cette semaine comme d’une « migration climatique » : elle était déjà discrètement en cours, mais ce dernier ouragan va laisser dans son sillage un très grand nombre de laissés-pour-compte, parmi les plus pauvres, les plus vulnérables et les plus âgés.
On y cite un rapport de décembre 2023 de la Fondation First Street, un organisme qui se donne pour mission de « connecter le risque climatique au risque financier »: environ 3,2 millions d’Américains auraient déjà migré à cause des risques d’inondations. L’impact risque d’être particulièrement ressenti dans les régions côtières, mais aussi dans des régions du Sud qui sont parmi les plus pauvres du pays —les appauvrissant encore plus, et accroissant la facture sur les autres parties du pays; Et ce, dans un contexte où un des deux partis politiques nie l’existence des changements climatiques.
Le rapport de First Street identifiait des villes qui s’en sortiront mieux que d’autres: Miami, par exemple, pourra continuer de croître même si ses quartiers les plus bas par rapport au niveau de la mer seront progressivement abandonnés. Mais plusieurs autres villes vivent déjà un déclin démographique qui les expose à la disparition des commerces de proximité, voire des services essentiels — un problème de taille, si parmi les laissés-pour-compte incapables de migrer, on trouve un plus grand nombre de personnes âgées.
Une recherche parue en 2022 soulignait qu’aux États-Unis, cette « migration climatique » allait amplifier dans les prochaines décennies des tendances déjà amorcées sur le plan démographiques, en particulier un vieillissement accéléré de la population dans certaines régions.
« Cet exode des jeunes, lit-on dans le texte de Pro Publica, signifie que ces villages pourraient entrer dans une spirale populationnelle de la mort. Les plus vieux résidents sont plus probablement retraités, ce qui signifie qu’ils contribueront moins en taxes locales, ce qui érodera le financement pour les écoles et les infrastructures » et laissera moins d’argent pour réparer les dégâts lors des futurs événements météorologiques.