L’Anthropocène, cette ère où l’humanité a commencé à influencer durablement le climat et la géologie terrestres, est-elle déjà en cours depuis bientôt trois quarts de siècle? C’est l’hypothèse avancée par une équipe de chercheurs du Center for Marine Environmental Studies, des universités de Tokyo, Matsuyama, Kyoto et Shimane, et de l’Australian National University.
Dans leurs travaux, publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences, le groupe de scientifiques décrit comment il a comparé les trois périodes de l’histoire humaine pouvant prétendre au triste titre de moment déclencheur de cette nouvelle phase. Et pourquoi, écrivent-ils, les années 1950 sont les candidates les plus probables.
En 2002, le nobélisé Paul Crutzen laissait entendre que l’Holocène avait pris fin et qu’une nouvelle ère de l’histoire planétaire avait débuté: l’Anthropocène. Cette nouvelle ère, suggérait-il, était dominée par des changements planétaires survenus en raison des activités humaines.
Depuis, bon nombre de chercheurs ont débattu de cette question, certains d’entre eux suggérant qu’il y avait suffisamment de preuves pour effectivement déclarer le début d’une nouvelle ère, alors que d’autres affirment le contraire.
Dans la nouvelle étude, l’équipe de spécialistes s’est appuyée sur la thèse voulant que nous sommes bel et bien entrés dans l’Anthropocène, et qu’il doit donc exister un point d’origine de cette transition.
En s’appuyant sur les preuves disponibles, les chercheurs émettent l’hypothèse qu’il existe trois périodes possibles pour le début de cette ère, la première étant la fin du 19e siècle. C’est à cette époque, notent-ils, qu’a débuté la Révolution industrielle. Ils soulignent aussi que c’est un moment, dans notre histoire, où la concentration en plomb a commencé à augmenter à travers la plupart des zones émergées de notre planète, en parallèle des proportions d’isotopes et de changements du côté de l’équilibre des nutriments.
La deuxième période évoquée est le début du 20e siècle, où l’on a constaté une transformation de la concentration de pollen à travers le monde, une forte augmentation de la quantité de noir de carbone – le résultat de la combustion de charbon –, ainsi que d’importants changements du côté des isotopes stables.
Et au cours de la troisième période évaluée, soit le milieu du siècle dernier, on a recensé les changements mondiaux et permanents les plus évidents. C’est à ce moment que des substances organiques polluantes ont commencé à être détectées à l’échelle mondiale, en plus de l’apparition des plastiques et microplastiques dans l’environnement.
Ce fut aussi le début de l’Âge nucléaire, avec des traces des nombreux tests atomiques aisément trouvables sur notre planète.
Enfin, ce fut le début des impacts majeurs liés au réchauffement climatique.
Après avoir comparé l’effet mondial de ces trois époques candidates, l’équipe de recherche a conclu que la troisième (et plus récente) devrait être considérée comme le véritable début de l’Anthropocène.
Selon les auteurs de l’étude, on y constate les changements mondiaux les plus aisément détectés et mesurés. Ces mêmes changements se feront sentir pendant encore des milliers, voire des millions d’années, avant que la planète ne retourne aux conditions de l’Holocène, si l’humanité venait à disparaître.