Derrière la nouvelle étude qui soutient que la COVID avait commencé dans le marché Huanan, à Wuhan, il y a un travail de détective qui vient compléter les trois études similaires publiées il y a un peu plus de deux ans.
En 2022 en effet, trois équipes distinctes, utilisant trois méthodologies différentes, avaient pointé avec plus de précision que jamais l’endroit, de même que les deux moments, où le coronavirus aurait « sauté » d’un animal à l’humain dans le marché Huanan, à l’automne 2019. La clef pour cette identification à l’époque: 1380 « échantillons environnementaux » récoltés dans ou autour du marché, contenant des séquences génétiques —d’animaux, d’humains ou de virus. Par « échantillons environnementaux », on entend tout ce que les équipes dépêchées au marché après sa fermeture, au début de janvier 2020, ont pu récolter: sur les murs, les planchers et les différentes surfaces, sur des gants, sur de la viande dans les congélateurs, dans les tuyaux d’égouts, et même sur des chats errants et des rats.
Ces trois études avaient apporté les données alors les plus précises dont on disposait pour établir un lien entre les animaux qui étaient en vente dans la section sud-ouest du marché pendant la période-clef et les premiers cas humains de SRAS-CoV-2.
Cette fois-ci, certains des mêmes chercheurs sont allés encore plus loin. À partir de séquences génétiques contenues dans ces échantillons, ils ont pu identifier la présence des animaux en question : en particulier le chien viverrin (en anglais, racoon dog), mais aussi le renard roux, le vison, la civette masquée et le rat des bambous (Rhizomys pruinosus). Mieux encore, lit-on dans leur étude parue le 19 septembre dans la revue Cell, ils ont pu démontrer que ces animaux s’étaient bel et bien trouvés dans les allées où des séquences génétiques du virus avaient été identifiées il y a deux ans.
La séquence génétique des chiens viverrins permet aussi de dire que ceux-ci étaient originaires du centre ou du sud de la Chine, ce qui les rend susceptibles d’avoir été en contact, avant leur capture, avec des chauve-souris. Mais en fait, ces cinq espèces pourraient avoir été des intermédiaires entre la chauve-souris et l’humain.
On ne peut pas affirmer quel animal aurait été le « patient zéro », et cette information restera introuvable, le marché ayant été fermé et les animaux, euthanasiés dès que la crainte d’une épidémie a commencé à se répandre.
Une autre information génétique émerge de ce travail de détective : les séquences du virus obtenues dans ces échantillons environnementaux sont cohérentes avec les estimations précédentes sur l’évolution du virus. En clair, cela veut dire que, comme on connaît la vitesse à laquelle un virus évolue et subit des mutations, on peut comparer la distance entre un virus récolté à telle date et son plus proche « cousin » connu. Dans ce cas-ci, la distance est minime, ce qui tend à confirmer que le virus aurait commencé à se répandre peu de temps auparavant dans ce marché.
L’une des chercheuses, la virologue Angela Rasmussen, écrivait jeudi dernier, au moment de la publication de l’étude, que celle-ci ne mettrait pas fin au débat sur l’origine du virus — y compris chez ceux qui veulent croire que le virus aurait été créé en laboratoire. Elle invite ces contradicteurs à soumettre eux aussi une recherche à la revue Cell. Mais je soupçonne, écrit-elle, que ces gens ne « relèveront pas le défi. L’hypothèse de la fuite de laboratoire a plusieurs fois échoué le test. Elle ne colle pas aux données probantes. »