C’est l’un des rendez-vous marqués du signe de la magie réaliste et du rêve fragile cassant comme le cristal. L’adaptation d’une œuvre romancée qui tient ses origines de l’écrivain haïtien le plus lu sur ce pôle insulaire: Gary Victor. Paru en août 2023 chez Mémoire d’encrier, Le violon d’Adrien s’est emparé de l’âme scénique de Sofia Blondin pour un exercice d’adaptation libre ponctué de nuances.
Clarté publique
Pour la comédienne diplômée de l’École nationale de théâtre du Canada, le rapport à la conception scénique et à l’écriture s’est intégré instinctivement à la démarche de Sofia Blondin. On lui doit plusieurs mises en scène nées de pages revisitées, notamment dans le format du Jamais Lu, au Théâtre Outremont et avec la pièce Fortissimo! au Théâtre La Roulette. Adepte de la clarté, elle aime par la mise en scène guider le jeu de l’acteur et de son équipe avec une sensibilité au service de l’œuvre. En somme, développer une diffusion globale et y donner sens.
« Je me connecte au texte pour une compréhension aigüe, une accroche qui s’approfondit à ma première expérience de lecture », aspire-t-elle pour aller plus loin dans la nuance et pour le public.
Rêver l’impossible
Lors de sa lecture du roman de Gary Victor, elle est frappée par ce roman d’apprentissage de la vie, un genre littéraire en soi à la suite d’un jeune garçon dont l’expérience le changera à jamais. L’histoire se campe dans une Haïti à la renverse post « Papa Doc ». Un garçon cherche à acquérir un violon coûte que coûte, lui si démuni, les poches vides. Devant lui, des personnages divers le suivent dans sa folle quête, certains loufoques, d’autres tendres.
Dans ce tableau, Sofia Blondin s’est amusée à inventer un monde créole, dans un pays où les rêves ont la vie dure. Sans vouloir trop en dire, elle soulève un côté du rideau. Admirative de la maîtrise de l’art de la chute de Gary Victor, elle réserve une finale en cascade d’émotions pour honorer un grand roman. Du rêve jusqu’au cauchemar.
Dans cette histoire qui n’est pas sans résonance avec le chaos sociopolitique actuel d’Haïti, Sofia Blondin s’abandonne au roman teinté de vaudou et de « réalisme magique ». Lors de ses échanges avec l’écrivain, ce dernier n’a qu’une demande: être surpris par ses choix artistiques. « Il m’a dit qu’en Haïti, les gens vivent dans cette dimension irréelle. Leurs croyances et la façon de côtoyer l’invisible fait partie de la vie là-bas… », conclut-t-elle, laissant place à la surprise de la découverte.