Ce sont des « imitations d’embryons ». Ou des « modèles d’embryons ». Ils sont conçus pour étudier la façon dont croissent nos cellules. Mais y aura-t-il un seuil à partir duquel il faudra les appeler des vrais embryons?
La recherche scientifique n’en est pas encore là, mais les dernières avancées font poindre à l’horizon ces questions éthiques, résume un récent reportage de la revue britannique Nature.
Ce dont il est question, ce sont des « amas » ou des « grappes » de cellules faisant moins d’un millimètre de diamètre qui ressemblent superficiellement à des embryons mais n’en sont pas. Depuis deux décennies que plusieurs laboratoires en biologie cellulaire font ce genre d’expérience, ces imitations d’embryons ne sont pas viables. Aux uns, ils manquent des morceaux, aux autres, on en a ajoutés, dans le but de mieux comprendre ce qui favorise, ou non, le développement cellulaire.
Mais pourrait-il arriver un moment où certains de ces « modèles d’embryons » seraient viables?
Un des enjeux pour la recherche est que dans l’utérus, un embryon de quelques jours est trop petit pour pouvoir être observé avec des ultrasons. Un autre enjeu est qu’à l’extérieur de l’utérus, on ne peut pas étudier un véritable embryon — qu’il s’agisse d’un amas de cellules souches ou du résultat d’une fausse couche — au-delà du 14e jour. Depuis quelques années, des chercheurs réclament d’ailleurs de pouvoir franchir ce seuil, considérant que ce type d’embryon ne serait de toutes façons pas viable. Mais c’est un seuil qui, en théorie, ne s’appliquerait pas aux « modèles d’embryons », puisque ceux-ci ne sont pas de véritables embryons.
L’un des objectifs de ces recherches est d’en arriver à comprendre pourquoi jusqu’à un tiers des embryons « naturels » ne survit pas au-delà des premières semaines. Cela pourrait contribuer à améliorer le taux de succès des fécondations in vitro, voire prévenir des maladies qui apparaissent dans le premier trimestre de grossesse.
Comme quoi la réflexion prend de l’ampleur, un premier congrès international sur « les modèles de cellules souches pour l’embryologie » a eu lieu en février dernier, en Californie. Et Nature signale qu’il existe même des compagnies créées à seules fins de tenter de développer des médicaments à partir de modèles d’embryons.
Les 14 premiers jours sont ceux correspondant aux deux premières étapes: blastocyste, pendant la première semaine, qui est le stade de développement jusqu’à une centaine de cellules, et gastrulation, stade qui s’étend jusqu’à la troisième semaine, où l’embryon s’implante dans l’utérus, et où les cellules commencent à se spécialiser. À travers les expériences de laboratoire des deux dernières décennies, les chercheurs sont progressivement parvenus jusqu’à reproduire un des aspects de la gastrulation mais pas les autres, et avec des modèles qui n’imitent que certains des aspects de l’étape précédente.
Dès 2021, la Société internationale pour la recherche sur les cellules souches avait publié des lignes directrices. Certains pays ont d’ores et déjà adopté les leurs. En gros, il ne s’agit pas seulement de réfléchir à la barrière des 14 jours pour les embryons « naturels », mais de réfléchir si cette barrière s’appliquerait aussi aux « modèles » actuels. En Espagne, la définition de l’embryon repose sur la fécondation, ce qui exclut les modèles d’embryons. D’autres pays pourraient plutôt choisir de définir à partir du « potentiel » de développement cellulaire, ce qui incluerait les modèles d’embryons. Le débat n’est certainement pas sur le point d’être réglé, mais la recherche pourrait prendre de vitesse les législateurs.