Depuis la pandémie de COVID-19, les taux d’absentéisme chronique auraient pratiquement doublé pour les élèves de la maternelle à la fin du secondaire, révèle une nouvelle étude.
Ces travaux, qui s’intéressent aux enfants d’âge scolaire aux États-Unis, indiquent que cette augmentation est liée au mode d’enseignement adopté pendant la pandémie. Plus spécifiquement, écrit-on, les écoles s’étant rabattues sur l’enseignement à distance, pendant l’année scolaire 2020-2021, auraient ainsi subit un taux d’absentéisme chronique plus important, l’année suivante.
Cette augmentation a été particulièrement marquée dans les écoles accueillant des élèves plus pauvres, selon cette étude récemment réalisée par des chercheurs de l’Université de Notre Dame.
Ladite étude s’appuie sur une analyse de données provenant de plus de 11 000 districts scolaires américains, et a révélé que l’absentéisme chronique a bondi de 16%, en 2018-2019, jusqu’à près de 30% lors de l’année 2021-2022.
Pour les élèves dont les écoles étaient passées à l’enseignement entièrement virtuel, pendant la pandémie, le taux d’absentéisme chronique était de près de sept points de pourcentage plus élevé que chez les élèves suivant toujours leurs cours en classe.
Un élève était considéré chroniquement absent s’il rate au moins 10% des journées d’enseignement. Cela veut dire plus de trois semaines d’absence pendant une année scolaire de 180 jours.
Comme le rappellent les auteurs de l’étude, l’absentéisme chronique a été lié à de moins bons résultats aux examens, à des interactions sociales et éducatives réduites, à un taux de diplomation plus faible au secondaire, ainsi qu’à un plus grand risque de consommer de la drogue. Cette augmentation de l’absentéisme chronique a commencé à se produire lorsque les écoles ont tenté de revenir à un enseignement entièrement en classe.
Déjà, de précédents travaux ont démontré que le passage à l’école virtuelle avait entraîné une baisse des accomplissements académiques et du développement éducatif, en plus de nuire à la santé mentale des élèves et de faire diminuer les taux d’inscription.
« Nous avons appris bien des choses des suites de la pandémie », affirme William Evans, l’un des coauteurs de l’étude. « Et beaucoup d’énergie a été investie dans l’étude des effets de l’apprentissage virtuel sur les élèves. Cela devient vraiment difficile, lorsque vous transformez leur expérience d’apprentissage en passant en mode à distance. »
Les deux coautrices de M. Evans étaient d’ailleurs à l’école secondaire durant la pandémie, ce qui leur donne, disent-ils, une perspective unique par rapport aux résultats de l’étude. L’une d’entre elles, Olivia Rosenlund, rappelle qu’elle a débuté la fin de sa dernière année avec un enseignement entièrement à distance, et que ses camarades de classe et elle-même « étaient définitivement moins motivées à apprendre pendant cette période, comparativement aux moments où l’enseignement se déroulait sur place ».
Pour sa part, l’autre coautrice, Kathryn Muchnick, a souligné que « la diférence dans la motivation des élèves, après le retour en classe », était palpable.
L’étude indique également que l’absentéisme chronique frappe surtout les élèves déjà à risque et les districts scolaires plus pauvres. Dans ces derniers, l’absentéisme chronique a bondi de plus de 10 points de pourcentage chez les élèves ayant eu droit à de l’enseignement entièrement à distance, comparativement aux cours en classe.
Des effets cumulés
« Il y a de plus en plus d’informations voulant que ceux qui se trouvent dans les situations les plus précaires ont été les plus touchés par l’enseignement à distance. Les districts scolaires les plus pauvres souffraient déjà d’un absentéisme plus important, et ils ont été beaucoup plus prompts à passer à l’enseignement virtuel, durant le début de la COVID », a rappelé M. Evans.
« Alors vous prenez une population vulnérable, vous utilisez cette méthode pour offrir de l’enseignement, et le résultat est sensiblement pire pour ces enfants. »
D’ailleurs, les ménages à plus faible revenus, ou disposant de moins de ressources, étaient plus à risque de ne pas disposer d’une connexion internet à haute vitesse fiable, et avaient moins accès à des outils technologiques fiables, ce qui en faisait un environnement éducatif tout sauf idéal.
Et si les travaux de recherches n’ont pas permis d’explorer spécifiquement les raisons derrière la baisse de la fréquentation scolaire, les chercheurs ont évoqué quelques possibilités.
Tout d’abord, de 10 à 20% des élèves souffraient de symptômes post-COVID et auraient pu choisir de ne pas aller en classe pour des raisons de santé.
Ensuite, on recensait aussi une hausse des absences des enseignants et des pénuries de remplaçants qui pouvaient décourager les élèves d’assister à leurs cours.
Par ailleurs, une augmentation du nombre de cas de problèmes de santé mentale, qui est souvent liée à une plus grande préoccupation pour les médias sociaux, pourrait avoir mené les jeunes à rester à la maison.
Enfin, à la suite de la pandémie, les parents semblaient être davantage portés à permettre à leurs enfants de manquer l’école pour une variété de raisons, lit-on dans l’étude.
Et puisque l’enseignement à distance semble là pour rester, dans certains cas, M. Ewans juge qu’il « sera bien difficile de remettre le dentifrice dans le tube ».
Pour les chercheurs, trouver une méthode pour utiliser l’apprentissage à distance, d’une façon qui n’a pas d’effet négatif sur l’expérience éducative des jeunes, sera crucial.
Ces auteurs proposent que les éducateurs et les décideurs politiques examinent les faits lorsqu’il est question de concevoir des politiques et des pratiques en lien avec l’apprentissage virtuel, particulièrement en ce qui concerne les communautés les plus à risque, afin d’atteindre l’équité pour tous les élèves.