En décembre 2007, le gouvernement brésilien de l’époque a adopté une loi visant à lutter contre la destruction illégale de la forêt amazonienne. Une étude menée par des chercheurs du Insper Research Institute, à Sao Paulo, ainsi que de l’Université de Bonn, en Allemagne, révèle un effet secondaire intéressant: lorsque ces mesures ont été mises en place, non seulement la déforestation a-t-elle diminué, mais le nombre d’homicides a lui aussi diminué.
Ces travaux ont été publiés dans le Journal of Institutional Economics.
Considérée comme un écosystème particulièrement important, notamment pour la production d’oxygène, mais aussi parce qu’elle abrite un très grand nombre d’espèces souvent uniques, la forêt amazonienne est aussi capable de stocker de vastes quantités de gaz à effet de serre… tant qu’elle demeure intacte.
Comme l’écrivent les auteurs de l’étude, la déforestation illégale et l’agriculture fonctionnant à l’aide de la destruction de la jungle mettent de plus en plus en danger ce biome unique au monde.
Et la jungle amazonienne est gigantesque: presque aussi grande que l’Union européenne, avec une majorité de ce territoire situé à l’intérieur des frontières du Brésil. Difficile, pour les autorités brésiliennes, devant des terres aussi vastes, de protéger efficacement l’ensemble de la région contre la déforestation illégale.
« Pour s’attaquer à ce problème, le gouvernement brésilien de l’époque a adopté une liste de municipalités prioritaires, en 2007 », a indiqué le Dr Gustavo Magalhaes de Oliveira.
« Cette liste comprenait les villes où la déforestation progressait particulièrement rapidement. L’État surveille particulièrement étroitement les zones sur liste noire et adopte diverses mesures pour resserrer les contrôles environnementaux afin d’éviter la déforestation illégale. »
Une forte baisse du nombre de meurtres
Si de précédents travaux ont déjà démontré que le système de liste noire permettait effectivement de combattre la coupe illégale d’arbres, la nouvelle analyse a plutôt porté sur un autre aspect du phénomène. « La saisie illégale de zones forestières est habituellement accompagnée par une hausse des actes de violence, reflétant le fait que les droits de propriété, pour ces espaces, sont généralement mal définis », a ajouté le Dr Oliveira.
« Nous voulions donc savoir si une politique environnementale, en faisant appliquer plus strictement les lois brésiliennes existantes, aidait aussi à réduire les taux de violence dans la région. »
À cette fin, les chercheurs ont examiné le nombre d’homicides commis dans les municipalités se trouvant sur liste noire, et celles qui ne s’y trouvaient pas. Ils ont ainsi découvert un effet prononcé: lorsqu’une ville est placée sur liste noire, le nombre de crimes violents entraînant la mort diminuait de façon importante, soit de 17%, en moyenne.
Cependant, cet effet ne se produisait pas immédiatement, mais plutôt après quelques années sur liste noire.
Comment les actes de violence envers les individus et envers la nature sont-ils liés? Au dire des spécialistes, cela pourrait entre autres s’expliquer par le fait que des gestes violents sont souvent posés, sur les marchés illégaux, afin de s’assurer du contrôle sur des ressources soumises à des droits de propriété mal définis.
Dans ce cas, des voleurs de terres sans scrupules, appelés grileiros, en portugais, tirent avantage de la situation en employant des méthodes violentes et en se tournant vers la corruption pour saisir de vastes régions, raser les forêts, puis revendre les terres. Ce faisant, ils entrent en conflit avec des groupes qui ont leurs propres intérêts, ou qui pourraient être les propriétaires légitimes de ces zones – y compris avec des autochtones qui utilisent ces zones depuis des générations.
Des crimes qui mènent à la violence
La liste noire et ses mécanismes d’application viennent ainsi accroître les risques pour les criminels potentiels. Et dans la foulée, les criminels sont moins portés à tenter de s’approprier des zones aux droits mal définis, ce qui réduit le nombre de conflits violents qui précèdent souvent les vols de terres. Et donc, écrivent les chercheurs, ce qui aide la nature aide aussi directement les individus.
Cependant, ces bonnes nouvelles sont assombries par de plus récents développements: au cours des dernières années, le nombre d’homicides, en Amazonie, est reparti à la hausse.
« Des occasions d’affaires, sur les marchés illégaux, ont motivé de puissants groupes mafieux à s’installer de plus en plus en Amazonie, accompagnés de leurs méthodes particulières consistant à utiliser la violence pour atteindre des objectifs économiques », mentionne pour sa part le professeur Bruno Varella Miranda.
« Malheureusement, les mesures visant à protéger l’environnement ne nullifient pas entièrement la violence causée par ces groupes criminels organisés. »