Regroupant neuf bédéistes émergents de la Capitale-Nationale et autant de courts récits réalisés dans des styles très différents, mais ayant tous pour sujet la ville de Québec et ses banlieues, le tout premier numéro de La Flopée a rencontré un tel succès qu’une réimpression a été nécessaire afin de répondre à la demande. Pour en apprendre davantage sur ce projet, Pieuvre s’est entretenu avec Jonathan Boisvert, l’un des fondateurs du collectif.
Tu es toi-même un créateur de bandes dessinées, qui signe ses œuvres sous le nom du Bladanosaure. Qu’est-ce qui t’a poussé à aller vers le monde de l’édition et à fonder Nique à feu?
Jonathan Boisvert : Je suis un peu un patenteux. Je suis graphiste, infographiste, j’ai tout le temps taponné sur des petits fanzines, des trucs comme ça. J’aime bien le papier. Je trouve que ça a de l’importance, que c’est plus marquant. J’aime la texture. L’an dernier, au Salon du livre de Québec, j’ai croisé un gars avec qui j’avais déjà travaillé dans une boîte de pub, François Simard, qui a déjà quelques BD à son actif. On prend des nouvelles l’un de l’autre et on parle de nos projets. François me dit « J’aimerais ça avoir un projet de BD plus local ». Moi, des fois, j’ai un problème. J’ai tout le temps des idées, mais je n’arrive pas à toutes les réaliser (rires). Je lui ai dit « François si tu veux qu’on en jase, je peux te lancer des idées, tu fais ce que tu veux avec ». Bref, on a parlé, et finalement, on a décidé de fonder le collectif La Flopée. Et plus on travaillait sur La Flopée, plus on se disait « On trippe ben trop. On n’a pas le choix, il va falloir faire une autre édition de La Flopée. Il va falloir mettre ça plus droit ». Parce qu’au début, c’était censé être un petit fanzine, on allait faire 60 copies reliées à la main (rires). On s’est vite dit que ce n’était plus un fanzine. Finalement, c’est sorti. On a entamé des procédures un peu plus sérieuses pour devenir une maison d’édition, qui est Nique à feu.
Il y a déjà eu d’autres revues de bandes dessinées par le passé au Québec, qui ont eu des vies plus ou moins brèves. Je pense par exemple à Titanic. Est-ce que le temps est plus propice de nos jours pour se lancer dans ce genre d’aventure-là? Parce qu’on dirait que ça va bien pour la BD québécoise, il n’y a jamais eu autant de créateurs, de maisons d’édition, de lecteurs.
Jonathan Boisvert : Je ne sais pas si c’est un meilleur temps. Nous, c’était vraiment juste un désir de créer une communauté à Québec, parce qu’on trouvait qu’il y avait cette communauté-là à Montréal, et on se disait « Pourquoi on ne la sent pas tant que ça à Québec? Est-ce qu’elle n’existe pas, ou on n’en entend juste pas parler? ». Je ne sais pas si c’est tendance, mais on avait le goût de créer ça. Puis on s’est rendu compte qu’il y avait un engouement pour La Flopée, autant du côté du public que pour les dessinateurs du monde de la BD à Québec. Tout le monde était enthousiasmé par le projet. On l’a vu aussi. On a lancé des appels pour la première Flopée, ça s’est ramassé qu’on était neuf. On a fait dernièrement les appels pour la deuxième Flopée. Et là, on a eu 40 candidatures (rires)! Donc, on a eu un beau problème, mais il a fallu sélectionner des gens. Je pense que le collectif a sa place, et qu’il va toujours avoir sa place. C’est un peu comme une mode qui passe puis qui revient, mais je pense que ça va toujours exister. Parce qu’on a toujours le besoin de se rassembler et de s’entraider. Je pense que la tendance est à la réunion présentement, avec toutes les choses qui changent et l’Internet qui prend de l’ampleur. Je pense que la force est dans le nombre. Nous, on a créé ce collectif-là, puis on a découvert plein d’artistes qui se sont manifestés et qu’on ne connaissait pas. On découvre qu’il y a une belle collectivité dans le monde de la BD à Québec. On la découvre en même temps que ceux qui découvrent La Flopée. C’est ça qui est le fun.
Et pourquoi avez-vous choisi La Flopée comme titre? Je sais que du côté des comics américains, un « floppy », c’est un numéro unique d’une vingtaine de pages d’une série. Est-ce que ça a rapport? Est-ce que vous avez envisagé d’autres titres?
Jonathan Boisvert : Non. C’est vraiment sorti de discussions. J’ai dit « On a une flopée d’artistes », et quand est venu le temps de trouver le nom, on a décidé d’appeler ça La Flopée, pour la flopée de dessinateurs. C’est aussi simple que ça… On ne s’est pas cassé la tête là-dessus.
On retrouve uniquement des artistes de la région de Québec et des environs dans le premier numéro. Est-ce que dans l’avenir, vous allez continuer avec cette formule-là, ou vous pensez inclure plus de créateurs de partout à travers la province?
Jonathan Boisvert : Pour l’instant, c’est vraiment des gens de Québec. On s’est restreint à ça. Je pense qu’on voulait se donner certaines lignes pour le premier numéro. Ça facilite la création quand on se donne des contraintes. C’est une contrainte qu’on a décidé de garder pour le deuxième numéro, mais qui nous a aidés en même temps. Parce qu’on voulait des gens de la ville de Québec. Puis dans les candidatures, il en y avait certaines qui étaient de la région de Québec, mais qui n’étaient pas à Québec. Donc, ça nous a facilité la sélection. Est-ce que ça va être ça plus tard? Peut-être que oui, peut-être que non. Pour l’instant, on aime bien cette contrainte-là. Personnellement, j’ai l’impression que ça va changer, mais pas tout de suite.
Le thème du premier numéro est aussi la ville de Québec elle-même. Est-ce que vous pensez avoir d’autres thématiques dans les prochains numéros?
Jonathan Boisvert : Non. Pour l’instant, le deuxième, ça va être encore la ville de Québec, mais dans le fond, la contrainte, c’est qu’on veut que l’histoire se passe à Québec. Donc, ça peut être plein, plein, plein, plein de choses, pourvu que ça se passe à Québec.
Oui, ça peut être du drame comme de la science-fiction.
Jonathan Boisvert : Exactement. Ça peut être de l’autofiction, de la fiction, du fantastique. C’est très large. On a l’impression que les BD parlent simplement de la ville de Québec et qu’on aime la ville, mais ce n’est pas ça du tout. C’est quelque chose aussi qu’on a regardé pour La Flopée no 2. On a toutes sortes d’histoires. On est vraiment, vraiment enthousiastes pour le deuxième numéro, étant donné qu’on avait du choix dans les histoires et que les gens sont très créatifs. On a vraiment hâte (rires).
Tu signes toi-même une bande dessinée dans le premier numéro. Est-ce que c’est plus difficile de raconter une histoire courte en quelques pages seulement qu’un récit sur le long?
Jonathan Boisvert : C’est une très bonne question. Moi, je n’ai pas un très grand passé de bédéiste, donc, je n’ai jamais fait de gros récits… J’imagine que c’est plus facile, mais ce n’est quand même pas évident. Au début, mon histoire était beaucoup plus longue. Il a fallu que je travaille beaucoup le scénario. François (Simard), qui a fait des histoires plus longues, a été capable de me coacher là-dessus. C’est aussi pour ça qu’on voulait fonder Nique à feu, pour qu’on s’entraide entre nous. Il m’a donné vraiment des bons cues. Il m’a questionné sur mes choix. Ça m’a aidé à rapetisser mon histoire parce que moi, j’étais parti (rires). C’était long, mais ce n’était pas efficace. Monter une intrigue sur plusieurs pages, j’ai hâte de tomber là-dedans. Je n’ai pas ce projet-là à courte échéance, mais j’ai hâte de faire ça, parce que ça va amener d’autres défis. De garder l’attention, puis justement une cohérence dans l’histoire, et de faire un buildup pour que ça soit intéressant. Mais pour l’instant, je m’en tiens à de courtes histoires. Je trouve que c’est comme une bonne pratique pour les grosses histoires.
Vous prévoyez combien de numéros de La Flopée par année?
Jonathan Boisvert : Pour l’instant, c’est un par année, mais ce n’est pas exclu qu’on en fasse plusieurs. On regarde la possibilité. On est en train de monter la maison d’édition sur des bases solides pour aller chercher des subventions. Parce qu’on a payé de notre poche La Flopée no 1. On est en train de bâtir ça, et d’aller chercher du financement pour avoir un plus gros rayonnement pour le deuxième numéro. Est-ce qu’on va être capable d’aller chercher du financement pour en sortir deux par année? Ça reste à voir, mais c’est quelque chose qu’on a pensé.
Surtout si tu dis que vous avez eu une quarantaine de propositions pour le deuxième numéro. Est-ce que ça va être un numéro plus volumineux?
Jonathan Boisvert : En fait, il va y avoir un petit peu plus d’histoires que dans La Flopée no 1. Mais il n’y aura pas quarante histoires. Parce que, pour l’instant, on est en train de se monter puis de trouver du financement. Mais la porte de sortie, c’est encore de financer de notre poche. Et on veut vraiment la sortir. Donc, on s’est gardé une petite réserve pour être capable de la sortir, même si on n’a pas de financement.
Et à quel moment est-ce que vous prévoyez sortir La Flopée no 2?
Jonathan Boisvert : On n’a pas de date précise encore, mais ça serait sûrement début avril 2025. On s’enligne vers ça. Les histoires sont commandées, tout le monde travaille là-dessus. Ça devrait donc sortir au début avril.
La Flopée no 1, collectif d’artistes. Publié aux éditions Nique à feu, 88 pages.