Plus de la moitié des adultes de la planète s’attendent à être malades, voire très malades, après avoir consommé de l’eau de l’aqueduc au cours des deux prochaines années; c’est là la conclusion étonnante d’une nouvelle étude réalisée par des chercheurs de la Northwestern University, qui démontre ainsi que la confiance du public est au plus bas en matière d’accès à une eau potable de qualité.
Ces travaux sont publiés dans Nature Communications.
Selon ce qu’écrivent les chercheurs, puisque les perceptions ont un impact sur les attitudes et les comportements, la méfiance envers la qualité de l’eau a un effet négatif sur la santé, la nutrition, ainsi que le bien-être psychologique et économique des populations. Et ce, même quand l’eau potable répond aux normes de qualité.
« Si nous pensons que l’eau de l’aqueduc n’est pas bonne à boire, alors nous éviterons d’en consommer », résume Sera Young, professeure d’anthropologie et de santé mondiale, et principale autrice de l’étude.
« Lorsque nous avons cette crainte, nous achetons de l’eau en bouteille, qui est particulièrement chère et qui a des effets nocifs sur l’environnement; nous buvons des boissons gazeuses ou d’autres breuvages sucrés, ce qui nuit à nos dents et notre tour de taille; et nous consommons des aliments préparés fortement transformés, ou nous allons au restaurant pour éviter de cuisiner à la maison, ce qui est moins bon pour la santé et plus cher », a-t-elle ajouté.
« Les individus exposés à de l’eau impropre à la consommation subissent aussi davantage de stress psychologique, et risquent davantage de souffrir de dépression. »
En s’appuyant sur des données récoltées auprès de 148 585 adultes originaires de 141 pays, et qui datent de 2019, les auteurs de l’étude ont constaté l’existence de fortes craintes quant aux impacts négatifs de l’eau potable, ces inquiétudes étant les plus élevées en Zambie, alors qu’elles sont les plus faibles à Singapour. À l’échelle mondiale, 52,3% des répondants partagent ces craintes.
Les chercheurs ont aussi identifié certaines caractéristiques principales de ceux qui ont peur des effets de la consommation d’eau de l’aqueduc. Les femmes, les personnes vivant en ville, les gens plus éduqués, et ceux peinant à joindre les deux bouts étaient davantage portés à craindre des problèmes médicaux en buvant de cette eau.
De façon surprenante, l’idée qu’un gouvernement est corrompu était le facteur le plus important lorsque venait le temps d’évaluer si la population craignait de boire de l’eau, bien au-delà d’autres aspects comme la qualité des infrastructures, ou encore le PIB.
La peur, même dans les pays riches
De plus, même dans des pays offrant un accès constant à de l’eau potable, les doutes à propos de la qualité de celle-ci étaient répandus. Cela comprend le Canada et les États-Unis. Chez ces derniers, 39% des gens interrogés craignaient des impacts médicaux graves, à court terme, s’ils buvaient de l’eau du robinet.
« Notre étude démontre qu’il est impératif de fournir de l’eau potable sécuritaire et de s’assurer que les gens ont confiance envers les sources d’eau », soutient Joshua Miller, le premier auteur de l’étude.
Les chercheurs ont également noté qu’il est difficile, pour les citoyens, d’évaluer le niveau de risque des aqueducs, puisque la plupart des matières contaminantes sont invisibles, en plus d’être inodores et sans goût. Sans informations adéquates, un bon nombre d’individus doivent évaluer la qualité de l’eau en fonction de leurs expériences précédentes, en se fiant sur les médias, ou encore en s’appuyant sur leurs valeurs et croyances personnelles.
« Il est aussi possible que les gens évaluent correctement l’aspect sécuritaire de leur eau du robinet », a avancé la Pre Young. « Les habitants de Flint, au Michigan, ne faisaient pas confiance à l’eau de l’aqueduc, et ils avaient bien raison », a-t-elle ajouté, en parlant de cette ville américaine tristement célèbre pour son changement de source d’eau potable. Ce changement pour une eau plus acide a entraîné de la corrosion dans les tuyaux de plomb du réseau d’aqueduc, contaminant le système – et les habitants – avec ce métal qu’il est impossible de retirer du corps humain, et qui peut causer de graves problèmes de santé, notamment du côté des capacités cognitives.
Les auteurs de l’étude suggèrent ainsi aux responsables de poser des gestes pour améliorer la confiance du public envers l’eau potable, y compris des démarches pour faciliter l’accès à des méthodes de test, remplacer les tuyaux en plomb et fournir des filtres domestiques lorsque des contaminants sont détectés. Le tout en plus d’améliorer l’accessibilité à de l’eau potable sécuritaire, bien entendu.