Dans son cours de littérature, Claude ne parle pas beaucoup; installé dans le fond du local, taciturne, il va pourtant surprendre son professeur avec un travail qui semble calqué sur la vie de famille de l’un de ses amis. Une vie de famille qui sera disséquée au plus grand plaisir un peu pervers de l’enseignant. Jusqu’où doit-on aller pour raconter une histoire? Et cette histoire doit-elle être réelle?
Après avoir été donnée à Québec, au Périscope, la pièce Le garçon de la dernière rangée remonte sur les planches, cette fois entre les murs de La Licorne, coin Papineau et Mont-Royal, en plein coeur du Plateau. Écrite par Juan Mayorga, l’oeuvre raconte donc les aventures de Claude, un garçon sans histoire – quasi littéralement – qui se lie d’amitié avec Raph (fils), un autre adolescent qui éprouve de grandes difficultés en mathématiques.
Mais il ne s’agit que d’un prétexte: Claude a en fait une fascination étrange, soit celle d’entrer chez les gens, d’explorer l’ordinaire habituellement caché. Le spectateur relativement bien avisé verra tout de suite les problèmes avec cette démarche, mais pour Germain, professeur de littérature blasé et cynique confronté quotidiennement aux écrits insipides de ses étudiants, la prose et la verve de Claude en font un possible futur génie littéraire.
Dès lors, on assiste à la construction d’une fascination morbide pour cette famille on ne peut plus ordinaire, avec l’adolescent aux difficultés scolaires, ce mari frustré par son travail qui tente de magouiller pour remporter le « gros lot », et la femme absolument malheureuse qui cherche à trouver sa rédemption par d’incessantes rénovations.
De l’autre côté, il y a ce prof blasé incapable d’adapter son point de vue, marié à une femme passionnée par un art qui parle à peu ou pas de gens. Et au centre, Claude, ce jeune homme dont on ignore quasiment tout, et qui semble trouver un malin plaisir à s’infiltrer dans la vie des autres.
Mais s’agit-il d’une simple construction? Qu’est-ce qui est vrai, dans ce récit de cette famille ordinaire où l’épouse a, dixit Claude, « l’odeur particulière des femmes de la classe moyenne »?
Le garçon de la dernière rangée pose plusieurs questions importantes sur le rôle des enseignants dans la vie des adolescents, sur l’importance (ou non) de la véracité dans un récit, sur la beauté et la valeur de l’art… Tous des sujets excessivement importants qui sont trop peu souvent abordés dans notre société faite de statistiques sur la productivité et s’articulant autour de l’importance d’acheter une maison jumelée.
Cependant, pour toutes ces portes entrouvertes, l’oeuvre ne va jamais vraiment assez loin dans son exploration des thèmes abordés. On se retrouve donc avec une pléthore de sujets creusés de façon superficielle, de clichés qui auraient pu être poussés à l’extrême, voire à l’excès, ou encore dans le domaine de l’absurde.
Le garçon de la dernière rangée pose de nombreuses bonnes questions. Malheureusement, en s’éparpillant un peu trop pour son propre bien, la pièce nous laisse avec l’impression que la chose est incomplète. Bref, comme le mentionne le personnage du professeur de littérature, il nous manque une bonne fin. Quelque chose qui nous surprenne, mais qui nous indique que cela ne pouvait se conclure autrement…
Le garçon de la dernière rangée, de Juan Mayorga, traduit par Jorge Lavelli et Dominique Poulange, mise en scène de Marie-Josée Bastien et Christian Garon, avec Charles-Étienne Beaulne, Samuel Bouchard, Lorraine Côté, Hugues Frenette, Marie-Hélène Gendreau et Vincent Paquette