Presque un an après l’attaque du Hamas en territoire israélien, le 7 octobre dernier, le bilan en vies humaines, en termes d’immeubles et d’infrastructures endommagés ou détruits, ainsi qu’en emplois et revenus perdus, ne fait qu’augmenter à Gaza et en Cisjordanie. Et pour Joseph Hazboun, directeur régional du bureau de la CNEWA, l’Association catholique d’aide à l’Orient, à Jérusalem, cette situation est en bonne partie imputable à l’intransigeance du pouvoir israélien.
« La situation sur le terrain est tragique… Il est même humainement impossible de savoir exactement ce qui se passe là-bas », a ainsi déclaré M. Hazboun en entrevue, en parlant de l’enclave palestinienne de Gaza, assiégée et bombardée par l’armée israélienne depuis le 7 octobre. Une opération qui a déjà tué des dizaines de milliers de civils palestiniens, y compris des milliers d’enfants.
« De nombreux bâtiments ont été détruits; des commerces, des maisons, des universités, des hôpitaux, des mosquées, des églises, des infrastructures… « , a encore ajouté M. Hazboun.
Dans des conditions terribles, pendant que les bombardements se poursuivent, la CNEWA peine à fournir à la demande en aide humanitaire. « Nous tentons de saisir toutes les opportunités pour aider la population, comme par exemple en expédiant des légumes, des aliments en conserve, ou en fournissant l’argent nécessaire pour acheter des denrées. Dans le cadre de notre plus récente intervention, nous avons réussi à trouver des vaches et de la nourriture. C’était il y a plus d’une semaine. Depuis, nous n’avons pas pu trouver quoi que ce soit d’autre », a déploré le directeur régional du bureau de Jérusalem.
Et outre le conflit meurtrier à Gaza – et les échanges de tir à la frontière avec le Liban, entre Israël et le Hezbollah –, les tensions sont aussi particulièrement vives en Cisjordanie, où les populations palestiniennes sont aux prises avec des incursions des forces de sécurité israéliennes, mais se heurtent aussi aux colons israéliens, bien souvent des extrémistes religieux qui n’hésitent pas à recourir à la violence (souvent autorisée par Israël) pour dérober les terres des Palestiniens.
« C’est extrêmement difficile de gérer tout cela, d’aider les populations. Nous avons recensé plusieurs villes et villages où les colons envahissent les habitations des Palestiniens, attaquent les populations. La violence des colons est en hausse, et ceux-ci continuent de construire des colonies illégales en empiétant sur les terres des Palestiniens », a expliqué M. Hazboun.
Une raison politique
Et selon ce dernier, cette situation plus qu’explosive est en partie imputable au fait que le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, doit maintenir sa coalition gouvernementale afin de conserver le pouvoir. Mais, juge M. Hazboun, « pour garder ce pouvoir, il doit offrir quelque chose aux partis les plus extrémistes de son gouvernement, et cela en fait partie, y compris le fait d’armer les colons ».
De l’avis du responsable de la CNEWA à Jérusalem, d’ailleurs, « il devrait bientôt y avoir des heurts entre les colons extrémistes et l’armée israélienne, puisqu’il y a des groupes de ces colons qui n’obéissent même plus aux ordres officiels des militaires ».
La situation sécuritaire en Israël pourrait aussi avoir un impact marqué sur une partie importante de l’économie locale: le tourisme. « Une bonne partie de l’économie de Jérusalem dépend du tourisme », avec les lieux saints, notamment, a souligné M. Hazboun. « Et après le 7 octobre, bien des commerces et autres entreprises ont fermé leurs portes, ou encore largement réduit leurs heures. »
Il en va de même pour les dizaines de milliers de Palestiniens qui travaillent en Israël; ceux-ci ont bien souvent été empêchés de se rendre dans l’État hébreu pour des raisons de sécurité. Mais cela a un impact double: ces populations ne gagnent plus assez d’argent pour subvenir à leurs besoins, certes, mais les compagnies qui les emploient se retrouvent en pénurie de main-d’oeuvre.
Pour venir en aide aux Palestiniens de Cisjordanie affectés par cette situation, la CNEWA cherche à créer des emplois dans la région. Non seulement, indique M. Hazboun, cela permettra d’offrir un revenu décent aux familles, mais cela viendra aussi renforcer le sentiment de fierté et d’accomplissement de ces populations qui vivent dans un climat particulièrement difficile.
Là encore, toutefois, les moyens manquent; M. Hazboun évoque ainsi le besoin d’aller chercher « au moins 500 000 $ » afin de poursuivre le processus de création d’emplois sur le terrain.
Malgré tout, le directeur du bureau régional de la CNEWA à Jérusalem dit garder espoir. Même si l’aide humanitaire, surtout celle provenant d’Europe, a largement été réacheminée vers l’Ukraine, aux prises avec l’invasion russe depuis plus de deux ans. L’aide du public est d’ailleurs plus que jamais nécessaire pour permettre à l’organisation d’accomplir son travail dans la région plus que tourmentée du Proche-Orient.