Comment décrire The Stormlight Archive, une série de romans se déroulant dans un univers fantastique créé par le prolifique auteur Brandon Sanderson? Comment résumer une histoire qui doit déjà dépasser les 5000 pages, et qui est loin d’être terminée? Comment parler, surtout, d’un scénario où il se passe à la fois beaucoup et franchement trop peu de choses?
Tentons de commencer par… le commencement: dans un monde largement différent du nôtre, les grands seigneurs du royaume d’Alekthar sont entrés en guerre, depuis quelques années déjà, contre un peuple mystérieux, les parshmen, pour venger la mort de leur roi, assassiné le soir où Alekthar devait justement célébrer la signature d’un traité avec ces mêmes parshmen.
À travers cette guerre, on suivra les aventures de Kaladin, jeune homme originaire d’un village reculé, où son père souhaitait le voir reprendre le flambeau de la pratique médicale locale. Désireux de protéger son jeune frère, conscrit dans l’armée du seigneur local pour aller à la guerre, justement, il se retrouve esclave, puis membre d’une unité de pauvres erres chargés de transporter de lourds ponts de bois servant à franchir des précipices sur le champ de bataille. Il va sans dire que les archers ennemis ont généralement tendance à massacrer ces hommes dénués de moyens de protection.
Au fil de ses péripéties, Kaladin découvrira qu’il est doté d’un pouvoir surnaturel, celui d’un Radiant, sorte de chevalier croisé avec un superhéros. À l’aide de l’énergie contenue dans des sphères qui sont rechargées lors du passage d’une tempête particulièrement puissante, qui s’abat à intervalles réguliers (ne posez pas trop de questions), il peut bouger plus rapidement, voire voler et se soigner quasi instantanément.
Et tout cela sera fort utile lors de la lutte contre le Méchant avec un m majuscule. Car la guerre menée par Alekthar n’est que la première étape d’une (très) vaste prophétie apocalyptique, l’ultime affrontement entre un camp du Bien fort affaibli et un camp du Mal qui attend sa vengeance depuis des millénaires.
Personne ne s’est égaré en chemin?
Un monde détaillé
On peut certainement se demander où M. Sanderson trouve toute son inspiration, mais impossible de lui reprocher de manquer d’idées. Sur des centaines, puis des milliers de pages, on découvre un monde incroyablement riche et détaillé, où chaque aspect semble avoir une importance marquée dans la bonne marche des choses.
Qui aurait pu penser, par exemple, que cette histoire d’orage violent sporadique serait non seulement lié à la recharge de ces pierres servant de monnaie, ou encore de lampes, mais aussi aux superpouvoirs de certains personnages… ou encore à l’architecture des bâtiments situés sur le trajet de ladite tempête.
Ajoutez à cela des « esprits » symbolisant des émotions ou des états de santé, un « anti-monde » où le soleil ne se couche jamais, des catastrophes apocalyptiques forçant périodiquement l’humanité à repartir de zéro, des épées gigantesques dont la lame est un genre de bruine magique, de la poésie, des rêves prémonitoires, probablement trop de variations génétiques pour des individus habitant sur une même planète, et vous aurez une petite idée de l’ensemble des concepts évoqués dans les quatre livres de la série parus jusqu’à maintenant – le cinquième est sur le point de paraître, affirme l’auteur.
Bien sûr, l’adage « trop, c’est comme pas assez », peut s’appliquer, ici. D’autant plus qu’en accordant beaucoup de temps au développement de plusieurs personnages principaux, et même en offrant parfois trop de visibilité à des personnages secondaires, on se retrouve avec de longs passages où l’impression qu’il ne se passe pas grand-chose peut être assez forte.
On peut aussi tempêter intérieurement, à l’occasion, quand des personnages principaux – dont Kaladin, d’ailleurs –, semblent être désespérément unidimensionnels, mais aussi un peu idiots, parfois. Comme cette occasion où notre jeune homme se rend compte qu’il existe une gradation entre le Bien et le Mal, et que tout n’est pas noir ou blanc. Quel âge a-t-il, déjà?
Mais à l’autre extrémité du spectre, on trouve des réflexions profondes et intéressantes sur le sens de la vie, sur la mort, sur la guerre, sur les attentes envers les individus, sur les normes sociétales et genrées…
Oui, The Stormlight Archive est parfois trop long pour son propre bien. Si l’on en vient à se dire que George R.R. Martin est un exemple d’écriture rapide et condensée, c’est que nous avons un problème… Mais force est d’admettre qu’après trois tomes de plus de 1000 pages chacun, après avoir entamé le quatrième, et après s’être dit qu’il va bien falloir acheter le prochain tome, lorsqu’il sortira, Brandon Sanderson sait écrire. Et sait surtout garder son lectorat intéressé, y compris avec des scènes suscitant tellement de tension que ce journaliste en a fait des rêves agités.
Non, The Stormlight Archive n’est pas de la « grande » littérature. Ce n’est pas non plus tout à fait du niveau de The Song of Ice and Fire, d’ailleurs. Mais l’ensemble est accrocheur, souvent fortement prenant, et assez divertissant pour qu’on en redemande. Peut-être faut-il simplement consommer avec modération, qui sait?