Des stéréotypes de genre; des affirmations trompeuses et du montage sournois pour monétiser le contenu et augmenter l’audimat… Tous les moyens sont bons, pour certains influenceurs mal intentionnés, afin de maximiser leur visibilité et leur rentabilité en ligne, soutient une nouvelle étude britannique.
De l’avis de ces chercheurs, rattachés à l’Université d’Essex, ces tours de passe-passe numériques, qui ne devraient pas être permis en vertu de la législation anglaise, passent vraisemblablement sous le radar des autorités, en raison du fait que l’attention est davantage portée vers l’identification des contenus commandités.
Les auteurs des travaux soutiennent que cela s’explique aussi par le fait qu’il n’existe pas encore, au Royaume-Uni, de définition légale et de règles complètes portant sur les influenceurs, ce qui permet à certains d’entre eux de profiter d’angles morts réglementaires, alors que « la seule vraie règle qui s’applique est le fait qu’ils doivent identifier les contenus commandités comme tels », plutôt que faire preuve de transparence à propos de la substance de leur message.
Le Dr Alexandros Antoniou, spécialisé en droit, dit avoir mis au jour quatre stratégies douteuses employées à multiples reprises, lors de son analyse de plus de 140 jugements rendus par l’ASA, l’agence gouvernementale britannique qui supervise les normes publicitaires, entre 2017 et 2024.
Ces jugements étaient liés à des contenus publicitaires transmis à l’agence dans la foulée de crainte que lesdits contenus ne contreviennent aux règles en vigueur.
« Même si les influenceurs sont perçus comme étant fiables, au sein des communautés de marque numériques, mes conclusions révèlent qu’il existe des problèmes, depuis belle lurette, à propos de l’application des règles en matière de marketing », a déclaré le Dr Antoniou.
De l’avis de ce dernier, les quatre stratégies employées par certains influenceurs sont les suivantes:
- Exagérer les particularités de certains produits via des améliorations visuelles, ainsi que des tirages ou campagnes promotionnelles où personne ne gagne, ou encore où les conditions sont vagues;
- Des affirmations sans fondements à propos de la valeur nutritionnelle ou des avantages d’un produit en matière de santé, ou encore la promotion irresponsable d’articles réservés à un public d’un certain âge;
- Encourager des abonnés à payer pour participer à des stratégies douteuses selon lesquelles il est possibel de « s’enrichir rapidement », via des investissements à risque élevé, notamment en ayant recours à des paris et des jeux d’argent;
- L’utilisation d’images masculines et féminines stéréotypées comme base pour des démarches promotionnelles, ce qui vient renforcer les normes genrées toxiques, y compris en termes de standards de beauté.
Le Dr Antoniou réclame de nouvelles normes pour s’assurer que l’environnement de travail des influenceurs soit clairement défini par des règles bien établies. Le chercheur espère ainsi que ces mesures rendront les influenceurs plus responsables de leurs contenus, tout en aidant cet aspect de l’industrie publicitaire à gagner en maturité.
« L’approche actuelle, pour réglementer l’activité des influenceurs sur les médias sociaux, ne fonctionne pas, d’autant plus qu’elle s’articule autour d’une réaction au cas par cas, et vise à assigner un blâme après la diffusion de mauvaises pubs, et après que celles-ci ont déjà eu un impact sur les internautes. »
« Il faudrait plutôt établir un seuil de règles sous lequel les influenceurs ne peuvent pas tomber », a ajouté le chercheur.
D’ailleurs, l’existence de mauvaises pratiques ne découle pas nécessairement d’une volonté claire de mal agir, estime le spécialiste. « Cela pourrait être simplement de l’ignorance, et c’est l’absence de normes claires qui empêche ces influenceurs d’apprendre de leurs erreurs », dit-il.