Francesco est un Italien originaire d’un village pauvre du sud de la péninsule. À travers ses aventures, ses rêves, ses espoirs et ses déboires, toutefois, c’est non seulement la vie de tous les expatriés que l’on reconnaît, mais aussi l’éternelle quête de sens à une existence bouleversée par une modernité impitoyable.
Dans Spatriati, un roman à paraître chez Other Press, plus tard cette année, l’auteur Mario Desiati offre un portrait effréné de cette vie qui est à la fois partout et nulle part. Francesco, alors un adolescent timide, pas encore affirmé dans son identité, fait la connaissance de Claudia, foncièrement anti-establishment, après que la mère du premier eut commencé à fréquenter le père de la seconde.
Née de cette relation extraconjugale, la relation entre nos deux protagonistes s’étirera sur des décennies, parfois à distance, comme lorsque Claudia ira étudier « les affaires » dans le nord, à Milan, ou encore lorsqu’elle s’exilera à Berlin, mais aussi bien souvent à quelques centimètres l’un de l’autre, mais sans jamais vraiment déboucher sur une relation amoureuse à proprement parler.
Chacun de son côté, nos deux personnages s’interrogeront sur leur identité, sur leur orientation sexuelle, mais aussi – et surtout – sur le sens de leur vie, alors qu’ils ont fini par fuir leur ville d’origine, où jamais rien ne semble changer et où la population est aussi amère qu’amorphe, mais qu’ils ne semblent jamais être en mesure de s’ancrer quelque part, de trouver leur place dans un monde qui ne veut pas vraiment d’eux.
Ces thèmes ne sont pas nécessairement nouveaux, mais la force de Spatriati, c’est de rendre ses protagonistes – et plus particulièrement Francesco – quasiment réels, ou encore tangibles. Avec un style d’écriture qui ne ménage ni le lecteur, ni les personnages, Mario Desiati semble parler en connaissance de cause. A-t-il lui-même vécu les mêmes questionnements? S’est-il lui aussi exilé d’une petite ville italienne, déchiré entre son besoin de se rattacher à quelque chose de concret, mais aussi ses doutes sur son orientation sexuelle, sans oublier son recours presque maladif à la religion?
Il ne faut toutefois pas croire que l’auteur recourt à des trucs littéraires un peu faciles pour déstabiliser son public, bien au contraire; les choses sont calculées, les effets sont étudiés, les phrases bien senties. Chapeau, d’ailleurs, à Michael F. Moore, responsable de la traduction de l’italien vers l’anglais, qui semble avoir effectué un excellent travail.
Roman franchement bien ficelé, roman vrai, roman complet, Spatriati est une puissante réflexion sur l’être, le paraître et le sentiment d’appartenance dans un monde déstabilisé. Un ouvrage à ajouter impérativement à sa bibliothèque.