Après plusieurs déboires que le film, dans sa volonté plus meta que jamais, ne se privera pas une seconde de tout résumer, le troisième volet de Deadpool arrive finalement sur les écrans. Sauf que, conscient que le film de superhéros ne peut plus entièrement satisfaire, on s’est empressé de rassembler tous les éléments les plus efficaces pour livrer une oeuvre qui, la plupart du temps, tient foncièrement bien la route.
Pour le meilleur et pour le pire, un peu à la manière de l’inoubliable destin des membres de X-Force dans le second volet de la série, et en sacrifiant malheureusement le Cable de Josh Brolin et l’irrésistible Domino de Zazie Beetz, on a presque carrément revu la même distribution, autant devant que derrière la caméra.
Projet de coeur et d’ego de Ryan Reynolds oblige, et possiblement le meilleur des trois films, d’ailleurs, on a ainsi pondu un épisode distinct, mais qui contient encore une grande part de ce que le public aime le plus du personnage et de son univers.
Puisqu’on dira ce qu’on voudra sur Marvel, mais lorsque vient le temps de satisfaire ses fans, difficile de trouver mieux: au-delà des immanquables ratés, ils savent écouter leur public, mais aussi répondre à leurs attentes de manière satisfaisante, que ce soit avec Avengers: Endgame ou même plusieurs des Spider-Man, pour ne nommer que ceux-ci.
Ici, on rend hommage à une palette plus grande que jamais, allant des plus vieux fans des X-Men, aux amateurs de Marvel, en passant même par ceux qui ne sont pas nécessairement fans.
On a envie de plaire au plus grand nombre (on n’a plus vraiment le choix, d’ailleurs) et bien que l’humour prime, on laisse tomber beaucoup des blagues infantilisantes et de premier degré qui avaient déplu au premier tour, pour rehausser le niveau et s’attarder à un public beaucoup plus mature, beaucoup plus adulte et qui est capable d’en prendre.
Pas étonnant qu’avec le Montréalais Shawn Levy aux commandes, le ton soit davantage à la comédie plutôt qu’à l’action (oui-oui, l’homme derrière les innombrables Big Fat Liar, Just Married, Night at the Museum et cie).
Un virage notable comparé aux deux premiers volets, qu’on avait confiés aux mains plus musclées de Tim Miller et David Leitch. On voit rapidement la différence, puisque si ses scènes de combat sont étonnamment habiles, il montre plus de difficulté lorsqu’elles commencent à intégrer plusieurs personnages importants. On le constate encore plus quand le rythme s’étend davantage, une fois qu’on laisse les blagues de côté et qu’on essaie d’y tisser une histoire ou même un peu d’émotions.
Cela dit, on comprend que la rencontre entre Reynolds et Levy fut un grand coup de foudre, puisqu’après un premier projet meta surestimé avec Free Guy, les voilà partis pour la gloire avec leur troisième projet consécutif, qui permet également au réalisateur de renouer avec Hugh Jackman, plus d’une décennie après Real Steel.
Puisque voilà, si les nombreux amateurs de la première heure de Deadpool se rueront certainement vers le nouveau film, force est d’admettre qu’on a trouvé l’élément, avec un « É » majuscule, qui rend la proposition immanquable pour tous ceux qui ne voulaient pas nécessairement s’intéresser au film, le titre du film à l’appui: l’improbable retour de Wolverine avec son seul et unique interprète qui était pourtant supposé avoir livré son chant du cygne avec l’honorable Logan de James Mangold en 2017.
Et admettons le haut et fort: on n’a pas raté son retour. Avec le talent et la dévotion qu’on lui connaît, l’amour évidente pour le personnage qui lui a donné la carrière qu’il a aujourd’hui en extra, Jackman saute à pieds joints dans l’aventure et se montre le partenaire idéal pour tenir tête et compagnie à Reynolds qui cabotine encore jusqu’à l’épuisement. Ensemble, ils savent équilibrer la dose et rendre le tour supportable.
Peut-être aussi parce que comme mentionné plus tôt, les blagues sont fichtrement bien réussies quoique possiblement un brin redondantes, les clins d’oeil souvent brillants et les références, même les plus inattendues, fusent. Et comment résister aux savants choix musicaux qui, comme la bande-annonce le faisait déjà, mettra Like a Prayer de Madonna dans la tête de tout le monde?
Il faut également tenir compte du fait qu’à l’image de son brillant générique de fin (la nostalgie, lorsqu’elle est sincère, c’est toujours gagnant), le film est surtout, au-delà de son lot presque incessant de blagues douces-amères, une lettre d’amour. Une lettre d’amour aux superhéros, au genre, à l’univers, mais particulièrement à ses interprètes qui se dévouent corps et âmes pour souvent faire face à une ingratitude éprouvante (on connaît la toxicité des fans de bandes dessinées).
C’est cet angle brillant et inattendu qui vient changer la donne et apporter les aspects les plus ingénieux et audacieux d’un film qui finit, contre toute attente, par se montrer touchant. Plus que par cette surabondance de preuves indiquant qu’on a peut-être un peu trop aimé les deux volets animés du Spider-Verse, allant jusqu’à repêcher le talentueux compositeur Rob Simonsen pour le forcer à faire du Daniel Pemberton.
Certes, le tout ne se fait pas sans défauts. L’histoire tarabiscotée par cinq personnes, incluant les réécritures, est d’un intérêt plus que secondaire, l’absence de méchants est relativement problématique, surtout parce qu’avec Paradox, Matthew Macfadyen semble offrir une variation de son Tom de la télésérie Succession et parce que le rythme est relativement inégal.
Et aussi irrévérencieux l’ensemble peut-il paraître, tout semble quand même calculé au millimètre près (les gags des campagnes promo sont disponibles en intégralité dans le produit final) et on vous mets en garde de vous tenir loin de l’internet pour vous sauver le plus de surprises possibles puisqu’elles sont géniales.
Sauf qu’il ne faut pas bouder son plaisir. Une proposition comme celle-là n’arrive pas tous les jours et même si beaucoup essaieront d’en copier le modèle, c’est fort probablement une occasion qui ne reviendra plus jamais (ce sera difficile de réunir avec autant de timing tous les éléments gagnants pour un succès comme celui-ci). Deadpool & Wolverine ne changera pas le monde, mais il offre tout un divertissement.
6/10
Deadpool & Wolverine prend l’affiche en salle ce vendredi 26 juillet.