Bien qu’ils aient une réserve de vaccins sous la main, les États-Unis hésitent à se lancer dans une campagne de vaccination contre la grippe aviaire. Alors que celle-ci a désormais été signalée dans plus de 160 élevages et qu’au moins 10 personnes ont été infectées, la stratégie est de plus en plus contestée.
Il s’agit du virus qu’on appelle « A (H5N1) ». Suivi à la trace depuis 1997, on l’a vu se répandre chez de plus en plus d’espèces d’oiseaux sauvages, provoquant une éclosion majeure en 2004-2005, et une autre depuis 2020-2021. À ce jour, le virus a été détecté chez toutes sortes d’animaux, dont des renards, des ours et des chats: chaque fois, c’était présumément à la suite d’un contact avec un oiseau mort. Mais dans le cas des vaches, il est clair depuis la fin-mars que le virus a subi une mutation qui lui permet de se transmettre d’une vache à l’autre. Il est logique de croire que plus le virus se répand parmi les vaches, plus il est souvent en contact avec des travailleurs agricoles. Par conséquent, le risque augmente qu’un nouveau variant émerge, capable, lui, de se transmettre entre humains (voir à ce sujet ce texte du Détecteur de rumeurs).
À la fin de juin, la Finlande est devenue le premier pays à offrir le vaccin contre la grippe aviaire à ses fermiers. Il sera disponible pour les personnes de plus de 18 ans qui sont susceptibles d’être infectées en raison de leur travail. La Finlande a pris cette décision « préventivement », après avoir détecté le virus dans des fermes d’élevage de visons et de renards. Aucun cas chez l’humain n’a toutefois été observé à ce jour là-bas.
Dans un reportage publié le 12 juillet dans le magazine Scientific American, de nombreux virologues et épidémiologistes suggèrent que le gouvernement américain adopte une stratégie similaire avec les producteurs laitiers. En effet, depuis le mois de mars dernier, où les premiers cas de vaches laitières infectées par le virus de la grippe aviaire ont été officiellement détectés, ce sont plus de 160 troupeaux de vaches laitières qui ont été touchés dans 13 États américains, selon les données des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) en date du 18 juillet.
Les CDC estiment toutefois que la grippe aviaire représente un risque faible pour la santé publique.
Prévenir ou guérir
Les États-Unis disposent présentement de 4,8 millions de doses de vaccins.
Cité dans l’article de Scientific American, le directeur du Centre national pour l’immunisation et les maladies respiratoires associé aux CDC affirme que les bénéfices de la vaccination dans la situation actuelle ne sont pas clairs, puisqu’on ne sait pas encore si le virus se transmet facilement de la vache à l’humain. À ce jour, seulement 10 cas de grippe aviaire chez l’humain ont été détectés aux États-Unis depuis mars dernier. Puisque la vaccination comporte aussi des risques, aussi minimes soient-ils (par exemple le syndrome de Guillain-Barré), une campagne de vaccination massive semble prématurée pour les CDC.
Les experts répètent toutefois depuis des mois que le nombre de cas chez l’humain pourrait être sous-estimé. Des personnes avec des symptômes grippaux, mais qui n’ont pas été testées, pourraient ainsi être passées inaperçues.
Du coup, attendre davantage équivaut à faire un pari risqué. Quand des cas sérieux commenceront à se présenter à l’hôpital, il sera vraisemblablement trop tard, mentionne un virologue de New York dans le Scientific American. Il faudrait à tout le moins agir avant la saison de la grippe, en octobre prochain. En effet, si une personne attrape la grippe régulière et la grippe aviaire en même temps, cela pourrait mener à l’apparition d’un virus aviaire capable, lui, de se transmettre entre humains.
D’autres mesures urgentes ne sont d’ailleurs toujours pas en place aux États-Unis, déplore aussi une infectiologue de Boston. Par exemple, il faudrait tester davantage les vaches et les fermiers pour détecter le virus plus rapidement, l’étudier et s’en débarrasser avant qu’il ne soit installé pour de bon dans les fermes à travers le pays. De plus, les informations sur la grippe aviaire et la façon de s’en protéger n’ont pas été bien transmises au personnel des fermes laitières.
Qu’en est-il du Canada?
Chez leurs voisins du Nord, aucun cas d’humain ou de vache laitière infecté par la grippe aviaire A (H5N1) n’a été détecté au Canada. La probabilité d’une infection humaine par le bétail est donc très faible. Sur son site, le ministère de la Santé insiste également sur le fait que « rien n’indique que le virus puisse se propager chez l’humain ».
Par mesure de prévention, le Canada a tout de même mis en place un contrôle plus serré de l’importation d’animaux. Par exemple, les vaches laitières importées des États-Unis doivent au préalable obtenir un résultat négatif pour un test A (H5N1). Par ailleurs, le Canada a augmenté la surveillance du virus sur son territoire en testant des échantillons de lait au niveau de la vente au détail et en améliorant l’accès aux tests sur une base volontaire pour les vaches sans symptômes.