Près de 190 000 morts, soit près de 8% de la population tuée à Gaza: voilà le très lourd bilan humain qu’évoquent trois chercheurs, Rasha Khatib, Martin McKee et Salim Yusuf, dans un article récemment publié dans le magazine scientifique The Lancet. Si ce nombre s’avère exact, le nombre de victimes serait ainsi presque six fois plus important qu’estimé jusqu’à maintenant.
Dans leur missive, les trois spécialistes affirment que « la collecte de données est de plus en plus difficile, pour le ministère gazaoui de la Santé, en raison de la destruction d’une majeure partie des infrastructures, à la suite des combats entre les troupes israéliennes et celles du Hamas, mais aussi (et surtout) après les lourds bombardements de l’État hébreu, dont l’offensive ne faiblit pas depuis le 7 octobre dernier.
Ainsi, si en date du 19 juin dernier, le bilan des morts à Gaza était de 37 396, toujours selon des données du ministère, un nombre rapporté par les Nations unies, les chercheurs s’appuient sur d’autres affirmations onusiennes, remontant à la fin de février, celles-là, pour évoquer que plus de 10 000 corps sont toujours coincés sous les décombres, alors que 35% des bâtiments de toute la bande de Gaza ont été réduits en ruines.
Là où les chercheurs trouvent leurs arguments pour évoquer six fois plus de morts que ce qui a été officiellement recensé, jusqu’ici, c’est du côté des « morts indirectes », des suites de maladies, notamment. Après tout, écrivent-ils, les hôpitaux ont été bombardés, les réseaux d’aqueduc ont été endommagés ou détruits, la population souffre d’une grave pénurie d’eau potable, de nourriture et d’abris, sans compter la perte de financement pour l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA), l’une des rares organisations humanitaires encore en activité, dans la bande de Gaza.
Ces morts indirectes seront donc des décès à plus long terme, affirment les chercheurs, et seront imputables aux conditions terribles prévalant dans cet espace particulièrement restreint, conditions qui devraient prévaloir pendant encore des années, sinon des décennies, en raison de l’ampleur des travaux de reconstruction nécessaires.
« Lors de récents conflits, de telles morts indirectes représentent de 3 à 15 fois le nombre de décès directs », lit-on encore dans la missive. Et donc, en utilisant une « estimation conservatrice » de quatre morts indirectes pour chaque décès direct dans cette nouvelle guerre à Gaza, on obtiendrait le total de 186 000 morts, soit 7,9% de la population gazaouie d’environ 2,4 millions d’habitants.
Aux yeux des auteurs, afin d’éviter que le bilan ne soit éventuellement encore plus lourd, il est urgent « de conclure un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, en plus de la mise en place de mesures pour permettre la distribution de fournitures médicales, de nourriture, d’eau potable et d’autres ressources pour répondre aux besoins humains fondamentaux ».
Par ailleurs, affirment encore les chercheurs, « il est important de noter la véritable ampleur du conflit, à des fins d’imputabilité historique et pour connaître le véritable coût de la guerre ». Les auteurs soutiennent également que de telles données permettent de vérifier si Israël respecte bel et bien ses obligations internationales, telles que déterminées par la Cour internationale de justice, en janvier dernier, en lien avec la Convention sur le génocide.