En ramenant sur Terre, le 25 juin, deux kilos de roches lunaires, la sonde Chang’e-6 a attiré l’attention sur une particularité du programme spatial chinois: il progresse méticuleusement, et avec des ambitions précises à long terme.
Portant le nom de la déesse chinoise de la Lune, le programme Chang’e remonte à plus de 15 ans et toutes ses missions ont été des succès:
- les deux premières sondes spatiales, en 2007 et 2010, se sont rendues en orbite lunaire et en ont cartographié la surface;
- Chang’e-3 en 2013, s’y est posée avec un véhicule, Yutu-1;
- Chang-e-4 est devenu en 2019 le premier engin à se poser sur la face cachée, non loin du pôle Sud, y déployant lui aussi un véhicule robot;
- Chang’e-5, en 2020-21, a ramené sur Terre 1,7 kilo de roches lunaires, une première en quatre décennies;
- Chang’e-6 vient à son tour d’en ramener, d’un site situé sur la face cachée, lui aussi à proximité du pôle Sud.
Les deux dernières missions ont donc nécessité une coordination entre l’engin alunisseur, la partie de la sonde spatiale qui l’attendait en orbite lunaire, et deux satellites de communication eux aussi en orbite, puisqu’une communication directe avec la Terre est impossible depuis la face cachée de notre satellite.
Et si le pôle Sud a été ciblé deux fois, c’est parce que les géologues semblent s’entendre pour dire que les chances d’y trouver de la glace sont plus élevées qu’ailleurs —une ressource des plus précieuses, si on veut installer des humains là-haut.
La recherche d’eau fait déjà partie des objectifs des missions 7 et 8, prévues pour 2026 et 2028. Et les premiers astronautes, selon des plans de l’agence spatiale chinoise remontant aux années 2000, pourraient y mettre le pied aussi tôt qu’en 2030. Ce qui, si ça se réalise, serait la première étape en vue de l’installation d’une base lunaire permanente au milieu des années 2030, près du pôle Sud.
Bien que le grand patron de l’agence spatiale américaine, Bill Nelson, ait évoqué une « course » à la Lune alors que son propre programme Artemis vise une mission habitée en orbite lunaire en 2025 et un premier alunissage en 2026 (si tout va bien), plusieurs scientifiques rejettent cette façon de voir les choses. La course entre les États-Unis et l’Union soviétique, rappellent-ils, s’est mal terminée pour l’exploration lunaire, puisque les ressources financières allouées ont diminué radicalement, aussitôt après les premiers alunissages américains en 1969-1970. Une exploration de notre satellite faite en concertation avec un maximum de pays serait beaucoup plus soutenable à long terme: déjà, la France et le Pakistan font partie de ceux qui ont contribué à la sonde Chang’e-6.