“Pourtant, la question de savoir quelles mains pourraient un jour tenir le livre de Myst me perturbe. Je sais que mes appréhensions ne seront peut-être jamais apaisées, et c’est pourquoi je termine en réalisant que, peut-être, la fin n’a pas encore été écrite.”
Nous sommes en 1995, et j’ai neuf ans, de sortie au défunt Future Shop de la Place Fleur de lys avec mon père. L’objectif: acquérir le jeu de tir à la première personne Marathon de Bungie. En raison d’un bon bulletin, j’ai reçu une exemption temporaire du moratoire familial sur les jeux violents. Mais une fois sur place, c’est un jeu sans fusil qui a fini par attirer mon attention. Un jeu d’exploration nimbé de mystère et de fantaisie. On est rentrés à la maison avec Myst, le légendaire point-and-click de Cyan, paru deux ans plus tôt en 1993. Je n’ai jamais regretté cette décision ni joué à Marathon.
Pour ceux et celles qui n’ont jamais eu le plaisir de jouer à ce titre classique: Myst était un jeu d’exploration et d’énigmes à la première personne. Dans la séquence d’ouverture, un homme inconnu tombait à travers une fissure dans les étoiles, un lourd livre dans les mains. Après avoir touché une page du livre, l’homme se volatilise, ne laissant derrière lui que le livre, tombant à travers le vide, et finissant sa course aux pieds de notre protagoniste. En touchant la première page du livre de liaison, notre personnage se trouve transporté sur l’île de Myst, et impliqué dans un sinistre conflit entre deux frères ennemis.
Retour sur Myst
Presque trente ans plus tard, c’est une version complètement reconstruite de Myst que j’ai eu le plaisir de télécharger sur mon casque Quest 2. Lancée en 2020 par Cyan, la version VR de Myst est complètement revampée. Les images statiques sont remplacées par des environnements 3D complets. La conception artistique, bien que fidèle au titre original, a été entièrement revue. Les acteurs des séquences vidéo intégrales ont été remplacés par des personnages 3D animés, mais les enregistrements originaux ont été conservés.
Dire que de fouler le sol de l’île de Myst en réalité virtuelle est un fort déclencheur de nostalgie serait l’euphémisme de tous les euphémismes. L’expérience Myst VR est l’aboutissement d’un rêve d’enfance et de toutes ces récréations passées à faire semblant de visiter les âges de D’ni. L’importance culturelle de l’univers de Myst n’est plus à justifier. Le jeu de Cyan a donné lieu à quatre suites, un jeu multijoueurs de masse et un jeu de rôle sur table. Revisiter le point de départ de cet univers avec la technologie d’aujourd’hui est un plaisir qui ne doit pas être boudé.
Mais la magie de la nostalgie se bute aux limites bien terre à terre de la réalité virtuelle et des attentes modernes envers les jeux vidéo. Myst propose deux modes de déplacement, un mode libre qui permet d’utiliser les leviers des manettes comme dans la plupart des jeux modernes, ce qui provoquera instantanément des nausées chez les plus sensibles (comme moi). L’autre mode propose une certaine forme de téléportation, un peu contre-intuitive au départ, mais plus douce pour l’estomac. En revanche, ce mode de déplacement peu naturel brise un peu l’immersion.
Un aspect fantastique est l’interaction diverse avec l’environnement. Là où, enfant, je cliquais sur des manettes pour activer des mécanismes et des puzzles, je dois maintenant agripper les leviers et les actionner complètement. Cet aspect du jeu manque néanmoins de fini et à quelques endroits, l’expérience utilisateur n’est pas complètement léchée, ce qui crée des moments de maladresse et d’étranges bogues. S’il est fantastique de grimper la légendaire tour de la bibliothèque en grimpant chaque échelon un par un, on se lasse vite de l’expérience et on aimerait pouvoir simplement cliquer pour grimper comme dans l’original.
Une autre limite de la réalité virtuelle qui s’impose vite est la difficulté de prendre des notes. Quand j’ai déballé mon cédérom de Myst au milieu des années 90, il y avait aussi dans la boîte un cahier de notes intitulé The Journal of Myst.
Sur la première page, il y avait la transcription de la narration initiale du jeu. Le reste des pages était lignées, le message étant clair: vous allez devoir prendre des notes pour résoudre les énigmes de Myst. La version VR propose un mode aléatoire pour mélanger les solutions aux puzzles, pour les gens comme moi qui se souviendraient encore de tous les mots de passe, mais cette option n’est guère pratique si on doit constamment retirer le casque de réalité virtuelle pour gribouiller dans un calepin.
De notre point de vue moderne, on se désolera assez rapidement de la vitesse à laquelle on fait le tour de tout ce qu’il y a à explorer. En 1993, l’univers de Myst et ses mondes parallèles reliés formaient un univers riche et vaste. Avec nos yeux d’aujourd’hui, on réalise assez rapidement que l’île de Myst est composée uniquement de quatre petits puzzles (une fusée, un engrenage, un arbre et un bateau) qui mènent à chacun des quatre âges reliés, lesquels offrent eux-même un ou deux puzzles avant de vous ramener sur Myst. Pour quelqu’un d’assez vif d’esprit, on peut faire le tour du jeu en un gros après-midi, même pour une première exploration, ce qui peut nous laisser rapidement sur notre faim.
Ce serait toutefois ingrat de se plaindre le ventre plein. Le plaisir de revisiter Myst est réel, et même pour ceux et celles qui n’auraient pas joué à l’original, le plaisir de découvrir un classique dans un environnement immersif n’est pas à négliger.
Maintenant, choisirez-vous les pages bleues, ou les pages roses? Sirius ou Achenar? La violence ou la cupidité?
Il n’y a qu’une façon de le savoir: ouvrir le livre et se plonger dans les brumes de Myst.
Myst (VR)
Développeur et éditeur: Cyan Worlds
Plateforme: MacOS, Windows, réalité virtuelle (testé sur Meta Quest 2)
39,99$