Une nouvelle étude révèle que ce ne sont pas le revenu d’un téléspectateur ou d’un internaute, ou encore les chances qu’il achète un produit en particulier, qui déterminent combien il en coûte pour le rejoindre; cela dépend plutôt de l’ampleur de son activité sur la plateforme où une publicité sera transmise.
Selon ces travaux réalisés par des chercheurs de la Stanford Graduate School of Business, récemment publiés dans American Economic Review, les publicitaires oeuvrant dans le milieu de la télévision considèrent les hommes de 18 à 34 ans comme le public le plus en demande.
En effet, ils dépenseront jusqu’à trois fois plus pour rejoindre ces derniers, comparativement aux femmes et aux adultes plus âgés. En ligne, c’est l’inverse. En fait, sur des plateformes comme Instagram et TikTok, les publics plus âgés peuvent coûter plus cher à rejoindre.
Ces différences peuvent sembler étranges. Après tout, le pouvoir d’achat des jeunes hommes n’est pas supérieur à celui des adultes plus âgés. Est-ce que les publicitaires, dans le monde numérique, ne devraient pas plutôt cibler les jeunes qui sont plus actifs sur le web? Mais ce n’est pas comme cela que les choses fonctionnent, affirment les auteurs de l’étude, Ali Yurukoglu, Matthew Gentzkow et Frank Yang.
« Dans le monde de la publicité, ce n’est pas seulement une question de demande; c’est une question d’offre », mentionne M. Yurukoglu. « Ce qui est vendu, ce sont les yeux des consommateurs. Les données démontrent qu’il y a moins de ces jeunes yeux, du côté de la télé, parce que moins de jeunes qui regardent la télé. Et les personnes plus vieilles sont moins présentes en ligne. »
Les auteurs de l’étude, en compagnie de Jessie M. Shapiro, de Harvard, ont ainsi adapté un modèle économique existant lié à la concurrence dans les marchés publicitaires, et l’ont testé en y injectant les données sur la publicité.
Ce modèle explique environ le tiers des sommes que les publicitaires télé et numériques payent pour rejoindre les membres de divers groupes.
« Puisque qu’une très grande partie de l’économie est maintenant alimentée par la publicité, il est vraiment important de savoir à quel point – et pourquoi – les différents consommateurs sont importants pour les publicitaires, puisque cela a un très grand impact sur le genre de produits et de contenus qui sont fabriqués », mentionne M. Gentzkow.
Selon celui-ci, c’est la notion de rareté qui aide à expliquer la différence de prix. Le modèle des chercheurs permet de mieux comprendre pourquoi, par exemple, une publicité de 30 secondes durant le Super Bowl coûte 7 millions de dollars. Les compagnies paient cette somme astronomique parce qu’au sein des plus de 100 millions de gens regardant la grand-messe du football américain, on retrouve bien des gens qui regardent rarement la télévision.
« Il s’agit de yeux assez rares », souligne M. Urukoglu. « Et le Super Bowl est votre façon de les atteindre. »
Des prix qui montent pour rejoindre moins de gens
La question de la rareté des consommateurs potentiels explique également pourquoi, selon les chercheurs, les revenus publicitaires du côté de la télé sont largement demeurés stables entre 2014 et 2019, même si de plus en plus de gens « coupaient le cordon » pour passer aux services de diffusion en ligne.
Les réseaux télévisés pouvaient imposer des tarifs plus élevés, justement parce qu’ils comptaient moins de téléspectateurs. Les prix publicitaires ont ainsi été gonflés en raison de la concurrence pour attirer un nombre plus réduit d’yeux.
M. Yurukoglu et ses collègues ont utilisé leur modèle économique pour estimer ce qui se passerait, du côté des tarifs publicitaires sur Netflix, après le lancement, en 2022, d’un nouveau plan comprenant des publicités.
Ledit modèle a prédit que cela ferait diminuer les tarifs publicitaires d’environ 1,5% pour les cinq plus grands réseaux télévisés, puisque les téléspectateurs commenceraient à voir de la pub à davantage d’endroits. Et pour les réseaux dont la clientèle est la plus similaire à celle de Netflix, le recul serait encore plus marqué.
Toujours au dire des chercheurs, l’impact de leurs travaux pourrait notamment se faire sentir chez les dirigeants de chaînes télévisées qui envisageraient d’acquérir ou de fusionner avec un concurrent.