Bien que la célèbre série de comics se soit terminée en 2019, il y a encore de la place pour raconter de nouvelles histoires dans le monde postapocalyptique créé par Robert Kirkman, comme le prouve Walking Dead – Clementine, le premier tome d’une trilogie scénarisée et dessinée par Tillie Walden.
Clementine est l’héroïne de la série de jeux vidéo épisodiques The Walking Dead produits par TellTale et basés sur l’univers des comics de zombies de Robert Kirkman. On peut donc dire en la voyant débarquer dans sa propre bande dessinée que la boucle est maintenant bouclée. S’il n’est pas nécessaire d’avoir joué aux jeux pour comprendre les subtilités de l’histoire, ceux et celles qui l’ont fait et qui suivent la jeune fille depuis qu’elle a huit ans apprécieront un peu plus leur lecture, puisqu’ils saisiront les références à Lee Everett, l’homme qui s’est jadis sacrifié pour qu’elle puisse vivre, connaîtront bien les liens l’unissant à Alvin Jr., un garçon dont elle a pris soin par le passé, et se souviendront également de la façon dont elle a perdu un pied.
Le scénario et les illustrations de Walking Dead – Clementine sont réalisés par Tillie Walden, une artiste lauréate de deux Eisner Awards, un en 2018 pour son album Spinning et un autre en 2020 pour Are You Listening?. Il s’agit du premier volet d’une série qui devrait se décliner en trois tomes. Clementine a dix-sept ans lorsque débute le récit. Elle refuse de tisser des liens avec d’autres survivants parce qu’elle ne supporte plus de voir les gens autour d’elle mourir, et préfère rester seule. Elle souhaite se rendre dans le Nord, au Canada, mais se déplaçant à l’aide de béquilles, le périple s’annonce long et fastidieux. Elle découvre alors un campement en Pennsylvanie peuplé par des Amish, où elle fait la rencontre d’un adolescent nommé Amos.
Le jeune homme s’apprête à quitter les siens afin d’accomplir le rumspringa, un rite de passage durant lequel les adolescents amish sont temporairement déliés de leur Église et de ses règles pour leur permettre de découvrir le monde. À bord d‘une carriole tirée par un cheval, il se dirige vers le Vermont afin d’aider à bâtir une propriété au sommet de la montagne capable de résister aux longs hivers. À son invitation, Clementine accepte de l’accompagner, et malgré leurs personnalités bien différentes, les deux se lient d’amitié au fil du voyage. Une fois sur place, comme elle se méfie des sœurs jumelles venues les accueillir, elle décide de suivre Amos pour le protéger. Entre le froid mordant, les avalanches et le manque de vivres, elle se rendra compte que l’hiver peut constituer une menace aussi redoutable que les morts-vivants.
Moins violent et un peu plus intimiste que les histoires que l’on retrouve dans The Walking Dead, le récit de Clementine parvient toutefois à apporter un regard différent sur l’univers postapocalyptique de Robert Kirkman, en mettant en vedette un groupe de cinq adolescents ayant de très bonnes raisons d’être angoissés par le futur. À travers le personnage principal, qui porte une prothèse et ne peut se déplacer qu’à l’aide d’une canne, ou celui de Ricca, qui ne voit rien sans ses lunettes et redoute de les perdre ou de les briser, l’intrigue aborde un aspect rarement exploité, soit la difficile survie des gens ne possédant pas une parfaite forme physique pour affronter ce monde hostile et qui finissent par se sentir comme un boulet pour les autres.
Le style visuel qu’on retrouve dans Clementine n’est pas aussi précis et n’offre pas la même lisibilité que celui de Charlie Adlard, le dessinateur de The Walking Dead, mais les illustrations de Tillie Walden possèdent tout de même leurs charmes. L’artiste sait manier les teintes de gris afin de donner du relief et de la profondeur à ses planches en noir et blanc. Tandis que les visages de ses protagonistes sont un peu naïfs, ses zombies en état de putréfaction avancée et ses décors, qui mettent à l’honneur les décombres de la civilisation où rouillent les carcasses de voitures, sont très bien réalisés. Walden réussit à transmettre l’impression de saleté et de délabrement généralisé, ainsi que les effets du froid glacial. L’album se termine sur carnet de croquis, ainsi qu’une galerie de couvertures en couleurs.
Même si son intrigue est légèrement moins intense que ce à quoi nous a habitués la série The Walking Dead, les amateurs des jeux vidéo épisodiques de TellTale seront heureux de retrouver le personnage de Clementine, et de suivre l’adolescente dans ses nouvelles aventures.
Walkind Dead – Clementine, Tome 1, de Tillie Walden. Publié aux éditions Delcourt, 263 pages.