Principaux responsables du gaspillage alimentaire au pays, les ménages canadiens jettent 63% d’aliments encore comestibles. C’est là la preuve d’un manque de sensibilisation auquel tente de s’attaquer la nouvelle initiative « Observez, sentez, goûtez » de l’entreprise anti-gaspillage Too Good To Go.
Le gaspillage d’aliments comestibles serait en partie le résultat d’une confusion sur la signification des dates « meilleur avant ». Inscrites sur les emballages de produits non frais, elles indiquent la date jusqu’à laquelle la qualité de l’aliment est optimale. C’est donc un indicateur de fraîcheur, et non de sécurité, le consommateur pouvant « acheter et consommer des aliments dont la date « meilleur avant » est échue », selon le gouvernement canadien.
Pourtant, selon une nouvelle étude de la firme Léger pour le compte de Too Good To Go, 43% des Québécois jettent chaque semaine des aliments dont la date « meilleur avant » est dépassée. Pensant qu’un produit est insalubre en raison d’une date dépassée, les consommateurs tendent à le jeter sans s’interroger sur sa comestibilité.
Pour Nicolas Dot, gestionnaire des relations publiques de Too Good To Go, « il faut faire davantage pour sensibiliser le grand public et réduire le gaspillage à la maison ». D’où le lancement, cette semaine, de l’initiative « Observez, sentez, goûtez » au Québec et au Canada, visant à encourager les consommateurs à utiliser leur sens pour juger de la comestibilité d’un aliment. Une dizaine de marques locales et internationales participent à l’initiative, et intégreront le pictogramme « Observez, sentez, goûtez » sur les emballages de leurs produits.
« Une salade, un avocat… on va les observer, les sentir avant de les jeter », remarque Nicolas Dot. Le représentant de Too Good To Go incite les consommateurs à « se fier à leurs sens », comme avec les fruits et légumes, qui eux n’ont pas de date « meilleur avant ». Une manière de démystifier l’idée que « meilleur avant » signifie « mauvais après », comme le pensent toujours 20% des Québécois, selon le sondage Léger.
« C’est une très bonne idée de faire attention à nos sens », estime Gabrielle Dessureault, coordonnatrice de Sauve ta bouffe, le projet anti-gaspillage des AmiEs de la Terre de Québec. Elle rappelle tout de même que pour les produits frais comme la viande ou le poisson, la date limite d’utilisation doit être respectée pour des raisons de sécurité. C’est d’ailleurs pour cette raison que ces produits n’entrent pas dans l’initiative de Too Good To Go.
À qui la faute?
En ce qui concerne le gaspillage alimentaire, et plus largement les enjeux environnementaux, M. Dot estime qu’il y a « une tendance à blâmer l’industrie, les détaillants, les restaurants », alors que le gaspillage est en réalité « l’affaire de toutes et tous ». À l’échelle du Québec, les ménages sont effectivement responsables de la plus grande part de gaspillage, à hauteur de 28%, selon Recyc-Québec.
Cette proportion est relativisée par Gabrielle Dessureault, qui souligne que 72% des aliments sont gaspillés par les professionnels de l’industrie. Pour elle, il ne faut pas « juste mettre la solution au gaspillage alimentaire entre les mains des consommateurs », car des efforts sont également à faire du côté de la chaîne agroalimentaire. Même si elle salue l’initiative de Too Good To Go, elle estime que cela reste « un pansement sur un problème bien plus gros ».
Des conséquences multiples
Ce « problème bien plus gros » a bien sûr des impacts environnementaux. Selon le Rapport DrawDown, la réduction du gaspillage alimentaire est la solution la plus efficace pour lutter contre les changements climatiques, en limitant l’augmentation de la température à seulement 2°C d’ici 2100.
Mais ces efforts contre le gaspillage portent aussi leurs fruits sur le plan socio-économique. Les ménages québécois jettent l’équivalent de 1300$ de nourriture par an, selon Recyc-Québec, soit un montant non négligeable dans le budget des familles.
Le tout dans un contexte d’inflation et d’insécurité alimentaires, où de plus en plus de personnes doivent aller cherche de l’aide pour se nourrir, même en occupant un emploi.