Quelques jours après un rapport sur le nombre record de morts en 2023 dans la ville la plus chaude des États-Unis, un journaliste en rajoute une couche: qu’arriverait-il si, dans une métropole américaine, une panne d’électricité majeure mettait à mal tous les systèmes de climatisation… pendant une canicule?
L’an dernier, rappelle Jeff Goodell dans le New York Times, des chercheurs de trois États, dont l’Arizona —où se trouve cette ville la plus chaude des États-Unis, Phoenix— ont imaginé les conséquences qu’aurait une telle panne à Détroit, Atlanta et Phoenix.
À Détroit, 53% des édifices ont un système central de climatisation; à Atlanta, 94%; à Phoenix, 99%.
Une distribution d’électricité qui, pendant une canicule, serait interrompue pendant au moins deux jours, se traduirait, selon le modèle informatique de ces chercheurs, par 800 000 personnes à Phoenix qui auraient besoin de traitements médicaux pour cause de coups de chaleur et autres maux. Le nombre de décès s’élèverait à 13 000. À Atlanta, « seulement » 12 500 personnes devraient se rendre aux urgences.
Les chercheurs ne s’aventuraient même pas à imaginer les causes d’une telle panne, se contentant de noter qu’entre 2015-2016 et 2020-2021, le nombre de pannes d’électricité définies comme « majeures » (major blackout) avait plus que doublé aux États-Unis.
En soi, ces chiffres ne sortent pas de nulle part. Selon une recherche publiée dans Nature Medicine, plus de 60 000 personnes sont mortes en Europe pendant l’été 2022, à cause des chaleurs extrêmes. En 2010, ce sont 56 000 personnes qui seraient mortes en Russie lors de la canicule record de cet été-là, selon une estimation du Bureau des Nations unies sur la réduction des risques.
La raison principale, que l’on a tendance à oublier, est que la chaleur n’est pas seulement quelque chose d’accablant : il y a des limites physiologiques à ce que notre corps est capable de supporter.
Certes, le scénario du pire des chercheurs américains s’avère plus grave à Phoenix parce que la ville est plus dépendante que les autres de la climatisation: pendant de longues périodes de l’été, on ne peut tout simplement pas y survivre sans climatisation. Mais leur étude rappelle aussi que des gestes peuvent être posés par les villes pour réduire les risques: moins d’asphalte et plus d’espaces verts, par exemple. Une meilleure identification des quartiers et des citoyens les plus vulnérables, en vue du jour où il faudra déployer des mesures d’urgence.
Mais la climatisation, aussi indispensable qu’elle soit, est venue au 20e siècle avec un désavantage, conclut Goodell, dont le dernier livre porte le titre révélateur The Heat Will Kill You First: Life and Death on a Scorched Planet. En s’en remettant à une technologie pour survivre aux inévitables canicules, l’être humain a souvent oublié à quel point il était vulnérable, en cas de défaillance du réseau électrique.