Dans le monde des affaires, les hommes semblent partir avec une longueur d’avance; la Chambre de commerce des femmes canadiennes (CCFC), confrontée à un déséquilibre en matière de financement de capital-risque pour les entrepreneures, a décidé de prendre le taureau par les cornes et de lancer Flip le script, un programme bilingue visant à aider les entrepreneures à naviguer à travers les dédales du monde l’investissement.
De fait, les femmes comptent pour 31% des propriétaires d’entreprises au pays, mais ne reçoivent que 3% des fonds de capital-risque disponibles, selon des données fournies par la CCFC.
En entrevue pour Pieuvre.ca, Marie-Louise Kalonji, l’une des facilitatrices du programme, se garde toutefois de parler de sexisme pour expliquer cette disparité importante. « On a tous des biais, qu’ils soient conscients ou inconscients… Je ne pense pas que les investisseurs refusent simplement de mettre de l’argent dans des projets menés par des femmes, simplement parce que ce sont des femmes », a-t-elle déclaré.
« Ce que nous avons vu, dans des recherches, c’est que le type de questions posées (aux entrepreneurs et entrepreneuses, NDLR) qui est différent. C’est là où je dis que c’est un biais. Les questions sont complètement différentes en fonction du sexe; à un homme, on lui posera des questions de promotion, par exemple. On pourra lui demander quels sont ses objectifs dans les cinq prochaines années. Et aux femmes, on pourra leur demande ce qu’elles vont faire pour éviter tel ou tel risque », a ajouté Mme Kalonji.
« La manière dont la question est posée est complètement différente, et dont la réponse doit elle aussi être différente. »
Toujours selon Mme Kalonji, « la Chambre de commerce des femmes canadiennes travaille à créer des situations commerciales plus équitables, autant pour les hommes, les femmes, ou encore les personnes non binaires. Et donc, en tentant de créer cet environnement, on s’est posé des questions: pour les femmes entrepreneures, quelles sont les étapes où elles pourraient rencontrer des obstacles? ».
Ainsi, « dans nos groupes de discussion, bien des gens évoquent des questions de financement. La majorité des femmes dirigent des petites et moyennes entreprises (PME), voire des microentreprises, et pour pouvoir passer à la prochaine étape, il faut du financement. Et c’est généralement là qu’elles se retrouvent avec un plafond de verre à fracasser ».
De son côté, s’exprimant par voie de communiqué, la dirigeante de la CCFC, Nancy Wilson, a déclaré qu’ « en nous appuyant sur les dernières conclusions de la recherche en psychologie organisationnelle pour redéfinir la manière dont les occasions de fonder une entreprise sont déterminées, financées et soutenues, nous pouvons contribuer à créer une situation plus équitable pour les entreprises dirigées par des femmes. Pour prospérer, les propriétaires d’entreprise ont besoin d’être vus et soutenus, et c’est exactement ce que nous faisons ».
« Notre mission est de changer la donne en donnant aux propriétaires-dirigeantes d’entreprise un cadre de communication qui leur permet de prendre le contrôle de la conversation et d’obtenir le financement dont elles ont besoin pour croître et se développer. »
Enthousiasme marqué
Flip le script, qui en est à sa première mouture, se décline pour l’instant sous la forme de deux cohortes, l’une qui doit débuter cet été, et l’autre cet automne. Déjà, plusieurs centaines de personnes ont manifesté leur intérêt pour obtenir de l’accompagnement.
« Notre objectif est de pouvoir, en comptant les deux cohortes, d’avoir 600 personnes à la grandeur du pays », a souligné Marie-Louise Kalonji.
Selon cette dernière, l’un des aspects intéressants de Flip le script est le fait que ce programme n’est pas circonscrit à une seule industrie. Au Québec, par exemple, les entrepreneures, qui oeuvrent majoritairement dans le secteur des services, par exemple, ne doivent donc pas nécessairement provenir d’une partie congrue de l’économie.
« Cela est aussi ouvert aux travailleuses indépendantes, comme les traductrices, les gestionnaires de projet, etc. »
En marge du programme Flip le script lui-même, les participantes auront droit, affirme-t-on, à « des cours supplémentaires, des bourses, des avantages, des rabais sur les services aux entreprises, ainsi qu’à une adhésion d’un an à la CCFC ».
Malgré l’existence de biais, dont celui lié au financement, et malgré la situation économique actuelle, Mme Kalonji se dit persuadée « qu’il n’y a pas de meilleur moment que le moment présent pour se lancer en affaires. Que ce soit en période de récession ou de boom économique, la pression sera toujours la même. Je ne pense pas que le momentum ne soit pas propice, en ce moment ».