S’il existe peut-être un peu trop de plateformes de diffusion proposant toutes sortes de contenus, difficile de s’y retrouver lorsque l’on cherche spécifiquement à accéder aux vidéos de créateurs autochtones; voilà le fossé que veut combler l’équipe d’Aki Creators, dont le service du même nom sera lancé cette semaine. Rencontre.
« Je voulais lancer cette plateforme parce que je voulais voir davantage de contenus autochtones dans l’espace numérique; c’était une opportunité de donner de l’ampleur aux voix des Premières Nations », explique, tout de go, Sandra Laronde, la fondatrice d’Aki Creators.
« Je souhaitais aussi que les histoires autochtones soient plus nombreuses dans cet espace numérique », a-t-elle poursuivi, dans le cadre d’une entrevue accordée à Pieuvre en direct de Toronto. « Ce n’est pas parce que c’est véritablement difficile de faire entendre nos voix en ligne, mais c’est plutôt qu’il y en a encore très peu. Sur internet, on trouve encore, très largement, des voix coloniales, et je veux transformer cette situation. »
Selon Mme Laronde, d’ailleurs, « ce qui se passe en ligne est simplement une transposition de ce qui se passe dans la vie de tous les jours, et c’est franchement dommage. Et je crois qu’il est possible de vraiment faire quelque chose de différent et de changer la façon de voir ».
« Nous voulons donc transformer ce qui existe actuellement, car la situation est déjà problématique. Pouvons-nous changer cet espace numérique pour inclure les voix autochtones de partout dans le monde? Nous avons tant d’histoires distinctes… des histoires distinctes qui n’ont pas encore été entendues. »
Dans le contexte du lancement d’Aki Creators, les internautes pourront accéder à la toute première histoire spécialement conçue pour la plateforme: un court-métrage intitulé Land Dances Us, qui met de l’avant une fusion des techniques cinématographiques traditionnelles et de la création via l’intelligence artificielle, afin de donner vie à cet univers autochtone.
Mme Laronde ne rejette d’ailleurs pas l’idée que du contenu autochtone se retrouve sur d’autres plateformes: « Toutes les voix devraient être entendues sur toutes les plateformes, y compris Netflix. Mais aussi sur des plateformes spécialisées, comme ce que nous offrons, qui propose du contenu de haute qualité, et qui a fait l’objet d’une curation spécifique. C’est là où la sagesse et l’art autochtones se rencontrent. »
Et comme ce genre de projet coûte de l’argent, des démarches ont été effectuées pour trouver les fonds nécessaires à la création de la plateforme. « Nous sommes notamment allés voir le Conseil des arts du Canada, et nous avons quelques investisseurs privés », a confié Mme Laronde.
Les internautes peuvent utiliser la plateforme pendant une période d’essai de sept jours, puis devront ensuite débourser 20$ par mois pour accéder aux contenus d’Aki Creators. « Oui, nous sommes en concurrence avec Netflix et les autres, mais ce n’est pas le même genre de contenus; nous offrons quelque chose de vraiment spécifique. Les personnes intéressées par la sagesse et l’art autochtones seront définitivement amenées à venir nous voir. C’est la même chose avec nos spectacles en personne, nous sommes en concurrence avec les autres offres. Mais nous réussissons toujours à donner nos prestations à guichets fermés… J’espère que ce sera aussi le cas en ligne! », a encore mentionné Sandra Laronde.
Selon cette dernière, l’objectif consiste à convaincre 5000 personnes de s’abonner. « Ce qui est bien, avec un service numérique, c’est que vous pouvez simplement augmenter le nombre de « places » disponibles. »
Craintes et attraits de l’IA
Impossible, en discutant avec Mme Laronde, de ne pas aborder la question de l’intelligence artificielle. Après tout, Land Dances Us est, dans ses mots, « une rencontre entre l’IA et la performance ». Est-ce inquiétant de plonger dans ce monde encore largement imprécis, et sans balises éthiques claires?
« Nous sommes heureux d’avoir sauté sur l’occasion… C’est l’avenir de la création de films », a jugé la principale intéressée. « Et nos productions sont bien moins coûteuses que les films de Marvel, par exemple. Je crois qu’avec ces outils de création, il sera bien plus facile de faire entendre les voix marginalisées, qu’il s’agisse des Autochtones, ou d’autres groupes. »
Mme Laronde juge également que l’IA permettra aux groupes autochtones de raconter leurs propres histoires, plutôt que de se faire damer le pion par les voix coloniales, comme cela s’est déjà produit, sous d’autres formes.
Pour l’instant, de toute façon, pas question de laisser l’ordinateur faire ce qu’il veut: « L’IA est difficile à maîtriser… Pour Land Dances Us, je voulais une femme qui descend des cieux, et le logiciel ne savait pas trop comment gérer cela… Alors la femme avait plusieurs têtes! », a-t-elle lancé en riant.
« Je m’intéresse à cet espace hybride, entre l’IA et l’humain. »