Plus près du cabaret que du cabinet évoqué dans son sous-titre, Kurios, conçu, imaginé et créé par Michel Laprise, revient une décennie plus tard exactement là où il a d’abord été présenté: sous le Grand Chapiteau au Vieux-Port de Montréal. Même si une grande partie de la distribution a changé, le spectacle revient en intégralité, ou presque, pour le meilleur et pour le pire.
Pour beaucoup, Kurios est un univers fourmillant de merveilles qu’il fait bon découvrir. On peut les comprendre jusqu’à un certain point, tellement le soin apporté aux détails est impressionnant et que le spectacle veut certainement en mettre plein la vue. Des décors aux costumes, en passant par les accessoires et tout le reste, chaque détail est bien pensé.
Le problème, c’est que tout ceci se rapproche encore plus du théâtre qu’à l’habitude, et on semble avoir oublié le côté cirque derrière tout cela. On finira d’ailleurs par sentir une certaine fatigue dans la création.
De fait, de la part d’un spectacle qui n’a jamais arrêté de tourner depuis sa création en 2014, il peut paraître singulier de finalement le ramener en ville, alors qu’après avoir donné un deuxième tour de piste à Alegria, on aurait certainement adoré découvrir une relecture des sublimes Dralion ou Varekai, deux spectacles qui ont rendu l’âme depuis.
Il est d’autant plus rare qu’un spectacle ne change presque pas d’un millimètre depuis le début de sa tournée. On ne change pas une formule gagnante, diront certains. D’accord. Mais cela semble aussi mettre en lumière un autre des problèmes de l’oeuvre: son manque d’unicité.
Ainsi, les moments marquants du spectacle se comptent sur les doigts d’une seule main; plusieurs numéros semblent se répéter, voire se ressembler, et pire encore, aucun numéro ne pousse les spectateurs à offrir une ovation debout, peu importe leur enthousiasme, ce qui est assez rare dans une production du Cirque du Soleil.
Ainsi, on apprécie l’ensemble, mais on ressent bien peu d’excitation.
Certes, la poésie est au rendez-vous, mais le Théâtre de mains, tout comme le Cirque invisible, qu’importe leur inventivité, ont vite atteint leurs limites, rappelant à quel point on a droit à un spectacle qui s’étire beaucoup trop longtemps. Parlez-en à l’interminable numéro d’ouverture qui ne sait plus où donner de la tête.
Oui, on apprécie qu’on ne se force même plus à essayer de donner un sens à la trame narrative (elle est pratiquement inexistante, ici, même si les programmes essaieront de vous justifier chaque personnage et chaque tableau), mais cette succession de moment inusités n’ont pas le relief nécessaire pour capter entièrement notre attention.
Comme quoi, quiconque aura vu ne serait-ce que quelques spectacles de cirque appréciera les belles idées comme un numéro de trapèze sur une bicyclette ou ces nombreux duos, mais rien n’empêchera de donner l’impression que certains numéros pourraient difficilement paraître plus génériques. En guise d’exemple, ces quatre contorsionnistes à la chorégraphie pourtant parfaitement huilée s’exécutant sur une superbe plateforme en forme de main.
Reste alors le sublime numéro d’équilibre sur chaise, aussi impressionnant qu’il y a 10 ans, et le numéro un peu similaire, mais tout à fait décoiffant de Rola Bola, toujours interprété par James Gonzalez . Même chose pour Anne Weissbecker lors du numéro de bicyclette aérienne, Nicolas Baixas avec son théâtre de main, ou Chih-Min Tuan aux Yo-Yo, qui n’ont pas quitté la production depuis ses débuts.
Enfin, on ne comprendra jamais pourquoi on a décidé de revenir en force de l’entracte avec l’électrisant numéro d’Acro net, une discipline qui a été inventée expressément pour la production, surtout que ce niveau d’excitation ne reviendra jamais.
Nous nous retrouvons donc avec une fin de spectacle articulée autour du numéro le moins excitant de tous les spectacles de l’entreprise. On aime bien les numéros de banquine, mais celui-ci, comme la majorité du spectacle, n’a rien de bien nouveau à proposer.
Kurios laisse donc la même impression en bouche que lorsque nous l’avions vu pour la première fois: c’est beau, oui, certes, mais encore?
5/10
Kurios – Cabinet des Curiosités sera présenté au Vieux-Port de Montréal jusqu’au 25 août prochain.