Ceux et celles qui ont vécu avec une personne ayant adhéré à la théorie du complot appelée QAnon, ont subi un impact dévastateur dans leurs relations interpersonnelles et familiales. Une étude récente tend à confirmer que de s’enfoncer dans cette croyance conduit à miner les relations et souvent, à carrément mettre fin à une relation de couple.
La mouvance QAnon s’est créée autour d’une personne anonyme prétendant travailler au sein du gouvernement américain, et appelée « Q ». À partir de la fin de 2017, cette personne s’est mise à envoyer de mystérieux messages sur des forums de discussion, que ses adeptes tentaient de décoder. Les interprétations des messages étaient souvent contradictoires et les quelques rares prédictions claires ne se sont jamais réalisées.
Au coeur des croyances de ces adeptes: les gouvernements seraient dirigés en secret par une élite pédophile et cannibale, que Donald Trump s’employait à combattre. La croyance a généré un mouvement au sein duquel les adeptes partagent un fort sentiment d’appartenance mais qui, à l’extérieur, est souvent perçu comme une théorie délirante.
Parti, mais pas disparu
« Q » a cessé d’écrire après la défaite de Trump en novembre 2020, mais le mouvement a continué d’exister et engendré des groupes dans d’autres pays. Or, dans l’étude, les chercheurs constatent que le radicalisme de ces adeptes et leur tendance à la polarisation joue contre eux. « Il y a longtemps que je lis » le canal Reddit consacré aux victimes de QAnon, confie Lauren Mastroni, de l’Université de Derby, en Angleterre, et ce sont les témoignages de ces gens qui l’ont conduite à cette recherche. Sa collègue et elle ont ainsi rencontré 15 personnes, dont 10 femmes, dont les âges variaient de 21 à 54 ans et provenant de 5 pays, dont les États-Unis et le Canada. L’étude est parue en avril dans le Journal of Social and Personal Relationships.
Tous ont rapporté un changement dans les relations interpersonnelles avec leur conjoint après son adhésion à cette théorie du complot mais surtout, un changement de comportement chez lui: une augmentation de la colère, de la paranoïa et de l’intolérance, qui conduisait souvent à des propos racistes, homophobes et antisémites. « C’est incroyable d’entendre ce qu’elle dit et ce qu’elle croit », disait l’une des personnes interrogées à propos de son ex-partenaire.
L’éloignement croissant est également un thème récurrent : la radicalisation de l’autre personne conduit son partenaire à limiter au maximum les conversations pour éviter les conflits, ou à développer un sentiment d’impuissance devant l’impossibilité de maintenir un dialogue constructif.
Les proches entraînés dans QAnon se montrent sur la défensive chaque fois que des opinions différentes leur sont présentées et vont, au mieux, rejeter toute source d’information crédible ou, au pire, transformer tout effort de discussion rationnelle en une confrontation entremêlant reproches et accusations.
Les tentatives de rapprochement pour sauver la relation de couple sont décrites comme frustrantes, la seule solution évoquée étant d’éviter toute discussion sur tous les sujets confrontants.
Les personnes interrogées, écrit la chercheure, « ont découvert que leur conjoint croyant en QAnon agissait souvent avec ses croyances d’une façon qui nuisait à leur relation, soit par son prosélytisme, soit en disant des choses qui n’étaient pas ancrées dans la réalité, ou en utilisant une rhétorique de plus en plus haineuse ».
Les deux chercheuses ne prétendent pas avoir de solution non plus: les limites de leur étude (basée uniquement sur des entrevues, groupe relativement petit) suggèrent plutôt la nécessité d’approfondir cette recherche pour mieux comprendre l’impact qu’ont, sur les relations interpersonnelles, ces croyances renforcées par les réseaux sociaux.