La vague Renaud a emporté les Trifluviens, la semaine dernière, dans un amphithéâtre Cogeco qui flottait comme par enchantement au-dessus du niveau l’eau. Quel était donc ce phénomène subtil et poétique dans la ville dévouée à la beauté des Lettres et de la poésie? L’émotion de retrouver notre enfant chéri de la chanson française tel un membre de la famille québécoise qui nous a trop manqué, depuis trop longtemps.
Car le Québec a toujours eu sa place dorée dans l’âme de l’artiste, une relation fusionnelle, d’amour et d’amitié. Et cela a chaviré les cœurs lors de sa reprise de ce qu’il a désigné comme la plus belle chanson du 20e siècle: Sur mon épaule, des Cowboys fringants. Sublimation de huit musiciennes à cordes merveilleuses de talent, quelques-unes québécoises, d’un pianiste et d’un accordéoniste, il va de soi.
Rien à faire des « journaleux »!
La tournée Dans mes cordes, inspirée de l’album du même nom sorti fin 2023, met de l’avant un Renaud toujours brillant de dérision. Un gamin qui ose encore, à une époque où la liberté d’expression et l’usage des mots sont comprimés dans l’étau de la bien-pensance, dégainer ses critiques pour nous éveiller, nous faire rigoler. Nous libérer.
Il rappelait notamment à quel point ceux qu’il appelait « les journaleux », sur sa sublimissime pièce L’Aquarium, de l’album Marchand de cailloux, paru en 2016, l’indiffèrent. Il en est allé d’un jouissif Je m’en câlisse d’eux bien tassé, sur la critique de certains journalistes d’ici, ayant jeté leur opprobre sur la voix de l’artiste. Bassesse médiatique. C’est mal connaître le septuagénaire qui n’en a que faire de « tous les preneurs de tête qui provoquent sous sa fenêtre la colère… ». Sa pensée est indemne, tout comme son art, son humanisme.
Gavroche à jamais
Puisant dans son vaste répertoire, des premiers tubes, dont Ma gonzesse (1979), à Manu (1981) et Morgane de toi (1983), Renaud avait l’adhésion absolue de son public de tout âge à qui il a généreusement tendu le micro pour créer des chœurs infinis. Un moment de grâce, des effluves de l’enfance qui courait le long de l’embouchure de la rivière St-Maurice. Derrière la scène, des photographies de Renaud, ce gosse, ce Gavroche, pour un voyage dans le temps en tendres souvenirs noir et blanc, couleurs de mémoire.
Inépuisable, Renaud est revenu sur scène pour un rappel de deux chansons: Tant qu’il y aura des ombres et La ballade nord-irlandaise. Cette dernière a été chaleureusement célébrée, en paumes de main festives, à l’unisson des instrumentistes prodigieuses qui avaient offert plut tôt la Petite musique de nuit de Mozart à la demande de Renaud. Virtuosité et grâce.