La chose semble avoir des airs de cercle vicieux: alors que de plus en plus de gens éprouvent de la difficulté à distinguer le vrai du faux, ces mêmes personnes sont plus à risque d’éprouver de la « fatigue médiatique » et d’éviter carrément de s’informer, révèle une nouvelle étude de l’Université du Michigan.
Plus qu’un évitement inattendu en raison d’un manque d’exposition aux médias, les chercheurs évoquent plutôt une décision consciente, de la part des individus, de ne pas être en contact avec des contenus journalistiques.
Les résultats des travaux sont publiés dans Journalism Studies.
Les chercheurs disent aussi avoir constaté qu’aux États-Unis, les gens s’identifiant fortement comme démocrates commencent à se fier davantage à des médias non partisans lorsqu’ils ont le sentiment d’être mal informés, alors que les personnes se disant fortement républicaines se tournent simplement moins vers les médias en général, y compris les médias moins conservateurs.
« Plus vous trouvez que l’environnement médiatique provoque de la confusion, ou est difficile à naviguer, plus vous éviterez activement les nouvelles, mais cela ne concerne pas que les médias », a déclaré le principal auteur des travaux, Ariel Hasell.
« L’évitement journalistique inclut également les gens qui ne veulent pas parler de politique avec d’autres. Alors cela ne concerne pas uniquement la consommation d’informations, mais qui sortez carrément de la conversation. »
Mme Hasell et Audrey Haverseen se sont appuyées sur les données de trois vagues d’un sondage national effectué auprès d’adultes américains. Les deux premières séries de réponses ont été recueillies en prévision de l’élection présidentielle de 2020, et la troisième a été colligée peu de temps après le scrutin. Près de 1200 adultes ont complété le sondage, et l’échantillon ressemblait à celui de la population adulte américaine.
Une fatigue en vue de la présidentielle
Les chercheurs ont demandé aux participants d’évaluer leurs sentiments liés à la mésinformation en ligne, leurs gestes visant à éviter activement les nouvelles, leur « fatigue médiatique » et leur utilisation des médias numériques. Les auteurs des travaux ont aussi posé des questions détaillées sur le genre de nouvelles lues et le type de médias numériques visités, et ont découvert que l’évitement des nouvelles et la fatigue médiatique ont pris de l’ampleur en prévision de la présidentielle de 2020.
De plus, l’étude révèle que le fait d’être blanc, conservateur et se tourner davantage vers des médias conservateurs étaient tous des traits associés au sentiment d’être mal informé en ligne, alors que l’intérêt envers la politique, les connaissances dans ce domaine et l’utilisation de médias non partisans étaient tous largement liés au fait d’avoir l’impression d’être mieux informé sur le web.
« Pour bien des gens, les discussions publiques à propos de la désinformation, l’impression que les environnements médiatiques numériques et les médias sociaux sont pleins à craquer, ainsi que la quantité d’informations publiées par un très grand nombre de sources les poussent à fuir les nouvelles », a mentionné Mme Hasell.
« Il existe ce paradoxe selon lequel plus le nombre d’informations disponibles est important, plus les gens décident de laisser tomber, parce qu’il devient trop compliqué de tenter d’y voir clair. »
Au dire de la chercheuse, cela peut entre autres s’expliquer par l’existence d’un faible niveau de confiance, aux États-Unis.
« Cela veut dire que lorsque nous ne faisons pas confiance aux institutions, nous n’avons pas ces raccourcis intellectuels permettant de déterminer si des médias non partisans partagent des informations dignes de confiance par le public », a-t-elle dit.
« Il y a 10, 20, ou encore 30 ans, nous avions un environnement où la confiance régnait davantage. Même chez les démocrates, la confiance envers les médias traditionnels est en baisse. Si vous observiez une autre démocratie occidentale où la confiance institutionnelle envers les médias était plus importante, je ne crois pas que vous obtiendriez le même effet. »