Unir le Nord et le Sud contre l’extractivisme débridé qui détruit lentement la planète: sur les planches de l’Espace Go, Émilie Monnet et Waira Nina proposent Nigamon/Tunai, une performance dénonçant cette soif inextinguible de ressources minières, sans égard pour la tradition et les territoires autochtones.
Dans la salle, pas d’agencement scénique traditionnel. Ou, plutôt, une installation plus « participative » qu’à l’habitude, où les spectateurs peuvent s’asseoir qui sur de petits bancs, qui sur des coussins. Tout autour d’eux, des plans d’eau, des structures de métal. Des structures de cuivre, en fait.
Cet aspect de la mise en scène, cosignée par celles qui se livrent également devant les spectateurs, s’explique par le fait que ce métal ocre est depuis longtemps au coeur du mode de vie de certains peuples autochtones, des deux côtés de l’Équateur.
Or, le cuivre est aussi une ressource essentielle dans la fabrication de bien des objets, y compris les voitures électriques et autres appareils s’inscrivant dans le contexte de la délétère société de consommation, ou encore dans la transition « verte » qui entraînera un développement sans précédent de l’activité minière, bien souvent sur des territoires autochtones ancestraux.
Peu à peu, les deux interprètes éveillent le public à cet enjeu, en tombant pratiquement dans l’abstraction pure et simple; sons, bruitages, éclairages et éléments du décor en viennent à remplacer une très grande partie du dialogue.
Et cela aurait sans doute représenté une oeuvre quasiment sans faute… si l’on s’en était tenu là. Car la performance tente de marier plusieurs genres qui ne vont pas nécessairement bien ensemble. Du théâtre abstrait, on passe parfois à la danse, ce qui est tout à fait correct, mais aussi à de longues périodes d’attente, où l’on nous fait entendre des sons ou de la musique.
Cela aussi pourrait toujours demeurer pertinent; en fait, rien n’est inutile, dans Nigamon/Tuani, mais c’est véritablement avec l’ajout des extraits de dialogues avec des Autochtones d’Amérique du Sud que l’on commence à regarder notre monde.
Sans qu’il y ait vraiment de mouvements, sur scène, on nous fait entendre de longues tirades en espagnol, qui sont alors traduites en anglais et en français, les versions traduites n’étant pas toujours entièrement similaires.
Ne sommes-nous pas au théâtre? L’objectif n’est-il pas de montrer des choses, plutôt que de les faire entendre? Que l’on souhaite présenter du documentaire, ou même du documentaire audio, fort bien, rien n’empêche de décliner ces enjeux sous d’autres formes. Mais pour une représentation de 90 minutes, environ, il serait certainement possible de resserrer le tout et d’offrir le même point de vue en moitié moins de temps, sans doute. Non pas qu’il n’est pas envisageable de prendre du recul et de s’installer pour apprécier l’importance des sujets évoqués durant l’oeuvre, mais lorsque l’on se demande un peu pourquoi le côté visuel n’est pas utilisé à son plein potentiel, on en vient à regretter de s’être assis sur un petit banc fort inconfortable.
Performance qui sera aussi présentée dans le cadre du Festival TransAmériques, Nigamon/Tunai offre un regard fort intéressant sur des enjeux qui sont bien souvent occultés au nom du développement économique et de la modernité. Dommage, toutefois, que la structure du spectacle soit si bigarrée.
Nigamon/Tunai, d’Émilie Monnet et Waira Nina, à l’Espace Go jusqu’au 30 mai