Pour s’attaquer à la crise climatique, il est essentiel de cesser de brûler du charbon, mais cette transition peut avoir des impacts négatifs sur les travailleurs et les communautés qui dépendent du plus polluant des combustibles fossiles pour engranger des revenus. Selon une nouvelle étude de l’Université technologique de Chalmers, en Suède, et l’Université d’Europe Centrale, en Autriche, compenser ces gens serait accompagné d’une facture salée.
Dans le cadre de leurs travaux, les chercheurs ont déterminé que plus de la moitié des plans gouvernementaux visant la sortie du charbon, à travers le monde, comprenaient effectivement des paiements destinés aux gens touchés.
Selon l’étude publiée dans Nature Communications, le total équivaut à 200 milliards de dollars américains, mais cela n’inclut pas la Chine et l’Inde, les deux plus grands consommateurs de charbon à l’heure actuelle. Ni Pékin ni Delhi n’ont de plan pour cesser de brûler du charbon.
Cette même étude indique que si les deux pays décident de sortir du charbon aussi rapidement que nécessaire pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat, tout en versant des compensations similaires, la facture gonflerait alors à plus de 2000 milliards.
Comme le mentionnent les chercheurs, il faut impérativement cesser de brûler du charbon pour ralentir le réchauffement climatique. Mais en prévision des impacts économiques sur les régions dépendant des industries liées à ce combustible, plusieurs gouvernements, notamment en Europe, ont adopté des stratégies dites de la « transition juste ».
En Allemagne, par exemple, plus de 40 milliards d’euros ont été annoncés pour aider les populations touchées par cette transition.
« Précédemment, la sortie du charbon a souvent été bloquée par des intérêts qui s’y opposent. Plusieurs pays ont mis de l’argent sur la table, afin de rendre possible cette transition », mentionne Jessica Jewell, l’une des autrices de l’étude.
Dans le cadre des travaux, il est apparu que 23 pays d’un peu partout dans le monde, qui comptent 16% des centrales au charbon, ont prévu environ 209 milliards de dollars en compensation.
Moins cher que le marché carbone
Cela peut sembler représenter beaucoup d’argent, disent les chercheurs, mais ceux-ci soulignent qu’il s’agit d’éviter d’émettre environ six milliards de tonnes de CO2, et que le prix de la compensation, par tonne d’émissions polluantes évitée, est en fait de loin inférieur aux récents prix du carbone en Europe, soit de 29 à 46 $ US par tonne pour la compensation, contre de 64 à 80 $ US pour le marché.
« Pour l’instant, ces politiques de transition sont similaires ou inférieures aux prix du carbone au sein de l’Union européenne, ce qui signifie qu’elles ont du sens en matière de changements climatiques. Mais des sommes supplémentaires sont probablement nécessaires si nous voulons atteindre les cibles de l’accord de Paris », a indiqué Mme Jewell.
Cela s’explique par le fait qu’il sera impossible d’atteindre la cible de Paris sans la participation des principaux consommateurs de charbon de la planète, soit la Chine et l’Inde, qui possèdent plus de la moitié des centrales utilisant ce combustible.
Toujours au dire des chercheurs, si les deux pays adoptent des politiques de compensation similaires à celles déjà en place, le montant pour les deux nations atteindrait 2400 milliards de dollars américains pour respecter le réchauffement maximal de 2 degrés Celsius, et 3200 milliards pour atteindre l’objectif plus ambitieux de 1,5 degré.
Il faut alors se demander d’où viendraient ces sommes colossales. Pour l’instant, environ la moitié des montants compensatoires proviennent de sources internationales, comme les Just Energy Transition Partnerships, qui soutiennent la sortie du charbon au Vietnam, en Indonésie et en Afrique du Sud. L’aide de la finance internationale pourrait également être nécessaire pour contribuer à la compensation dans les économies largement consommatrices de charbon.