L’Islande était fière d’annoncer, le 8 mai, avoir quadruplé à elle seule la capacité mondiale de captage du CO2 contenu dans l’air. La marche qui reste à franchir est toutefois très haute.
36 000 tonnes de CO2 par an: c’est la capacité de la nouvelle usine de captage du carbone, appelée Mammouth et inaugurée cette semaine en Islande. On parle ici de véritablement « extraire » du CO2 de l’atmosphère pour l’enfouir dans le sol et ainsi faire en sorte qu’il n’ajoute pas à l’effet de serre entourant notre planète.
Et la jeune compagnie suisse dont c’est la deuxième usine, ClimeWorks, était elle aussi fière de son chiffre: 36 000 tonnes, cela représente presque quatre fois la capacité actuelle mondiale (10 000 tonnes) de captage du carbone dans l’air (direct air capture, ou DAC, à ne pas confondre avec le captage du carbone directement à la source, par exemple à la sortie des usines).
Sauf qu’en tout, ce sont 36,8 milliards de tonnes de CO2 (ou 36,8 gigatonnes) qui ont été émis l’an dernier (il n’est pas impossible que 2024 soit l’année où l’on aura atteint un sommet). En mai 2023, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) estimait qu’il faudrait capturer au moins 70 millions de tonnes par an en 2030 et 600 millions de tonnes par an en 2050, pour respecter les cibles de réduction des gaz à effet de serre. D’autres estimations parlent plutôt de milliards de tonnes à extraire en 2050. L’AIE insiste par ailleurs sur le fait que ces projets de captage et de stockage ne devraient pas être vus comme une « alternative aux réductions d’émissions ».
Cette question avait même été au coeur des débats lors de la COP28, la rencontre annuelle des Nations unies sur les changements climatiques, en novembre dernier: des pays producteurs de pétrole voulaient bien accepter que l’on inscrive dans le document final l’intention de réduire le CO2, à condition que l’on tienne compte dans les calculs du CO2 « capturé ».
En comparaison, les efforts de reforestation et de conservation des forêts équivaudraient à 2 milliards de tonnes, selon certaines estimations. C’est la raison pour laquelle les technologies de captage et de stockage du carbone, qui attirent beaucoup d’investisseurs ces dernières années, y compris au Québec, restent encore hautement controversées : personne n’est en mesure d’affirmer si elles seront capables d’atteindre leurs objectifs, ni si l’opération sera rentable. Climeworks est restée très vague sur ses coûts, déclarant tout au plus que ceux-ci étaient pour l’instant plus près de 1000$ la tonne que de 100$ la tonne. En théorie, il faudrait s’approcher de ce dernier chiffre pour que la technologie en vaille la peine.