Une nouvelle année, un nouveau recul de la liberté de presse: le rapport 2024 de Reporters sans frontières (RSF), qui permet de suivre l’évolution, dans un sens comme dans l’autre, des conditions de travail des journalistes, reporters et autres travailleurs de l’information, trace encore une fois un portrait bien sombre.
Dans le document en question, l’organisation dit tirer le signal d’alarme « sur un phénomène d’ampleur révélé par le Classement de la liberté de la presse 2024 : la baisse de l’indicateur politique, un des cinq de l’Index ».
Ainsi, au dire de RSF, « les États et les forces politiques, quel que soit leur bord, jouent de moins en moins leur rôle dans la protection de la liberté de la presse. Cette déresponsabilisation va parfois de pair avec une remise en cause du rôle des journalistes, voire une instrumentalisation des médias dans des campagnes de harcèlement ou de désinformation ».
Le rapport souligne également, bien tristement, que la reprise de la guerre à Gaza, depuis l’attaque du Hamas, en octobre dernier, a provoqué la mort de plus de 100 journalistes et reporters palestiniens sous les bombes et les tirs israéliens, « dont au moins 22 dans l’exercice de leurs fonctions ».
Dans ce contexte particulièrement difficile, et alors que « 2024 sera la plus importante année électorale de l’histoire », notamment avec la présidentielle américaine, mais aussi des élections déjà en cours en Inde, par exemple, certains pays réussissent à garder la tête hors de l’eau, alors que d’autres, comme l’Argentine, subissent une dégringolade – dans ce cas-ci, l’arrivée au pouvoir de Javier Milei, un politicien d’extrême droite, a fait perdre 26 places à cette République sud-américaine, entre autres avec la fermeture de la plus importante agence de presse du pays.
Le Canada, lui, gagne une place, pour se situer en 14e position. RSF note ainsi que le pays « maintient un engagement ferme dans la protection et les pratiques internationales en matière de liberté de la presse », mais que le bât blesse du côté de la couverture médiatique des droits des peuples autochtones.
En début d’année, d’ailleurs, l’arrestation de la journaliste autochtone Brandi Morin, en Alberta, avait fait vivement réagir Amnistie internationale, mais aussi RSF, qui ont tous deux dénoncé ce geste de la part des autorités gouvernementales.
Toujours au Canada, on déplore que « 80% des médias sont entre les mains de seulement cinq sociétés ».
Juste au sud de la frontière, les États-Unis, eux, sont en mauvaise posture, écrit RSF. Le pays de l’Oncle Sam perd 10 places, pour se retrouver en 55e position, dans un contexte électoral particulièrement tendu, et avec une ambiance de « méfiance croissante à l’égard des médias, alimentée notamment par l’hostilité ouverte de responsables politiques, dont certains n’hésitent pas à appeler à l’emprisonnement des journalistes ».
L’Europe toujours en tête
Sans surprise, un grand nombre de pays européens sont en tête de classement, pour ce rapport 2024, avec la Norvège, le Danemark, la Suède et les Pays-Bas occupant les quatre premières positions.
De fait, il faut attendre la 14e place, avec le Canada, pour quitter le Vieux Continent; la Nouvelle-Zélande arrive ensuite en 19e place, suivie du Timor oriental, qui devance tout juste la France.
Le Royaume-Uni, lui, arrive en 23e position, derrière l’Hexagone et Samoa.
À l’autre extrémité du classement, certains pays progressent légèrement, comme l’Inde, qui gagne deux places, en 159e position. RSF y dénonce toutefois le climat de violence contre les journalistes, de concentration des médias et d’alignement politique qui a pris de l’ampleur depuis l’élection du premier ministre Narendra Modi, en 2014.
La Chine, en 172e place, est toujours « la plus grande prison du monde pour les journalistes », et « son régime mène une campagne de répression contre le journalisme et le droit à l’information dans le monde entier ».
La Russie, en 162e place, fait à peine mieux, surtout depuis son invasion de l’Ukraine, en 2022. Celle-ci, à l’opposé, se classe en 61e position, presque 20 places de mieux qu’en 2023. On y fait état de l’écrasement de la presse libre dans les régions sous contrôle du Kremlin, certes, mais aussi de l’adoption de plusieurs lois sur la transparence des médias et sur l’accès à l’information depuis le changement de régime, en 2014.
Une nouvelle loi sur les médias, adoptée en 2022, « a permis l’harmonisation avec la législation européenne », lit-on dans le rapport.
Malgré tout, la loi martiale imposée par Kiev est accompagnée de son lot de restrictions au travail des reporters.
En fin de liste, enfin, on trouve les « suspects habituels », soit l’Iran, la Corée du Nord, l’Afghanistan, la Syrie et l’Érythrée.