Une nouvelle étude de l’Université de Manchester lève le voile sur un phénomène inquiétant: des enfants sont reliés à des affaires de meurtre et de tentative de meurtre – et sont jugés comme des adultes – en partie en raison de l’utilisation de la culture du rap comme preuve à leur encontre.
Les paroles et les vidéoclips des chansons de rap sont fréquemment employés comme preuve dans des affaires criminelles impliquant des suspects mineurs, au Royaume-Uni, affirment les chercheurs.
Ainsi, le matériel sélectionné par le gouvernement contient généralement des thèmes violents, souvent tirés du sous-genre du « drill », qui vient dépeindre un train de vie difficile, violent et nihiliste.
Ledit matériel est habituellement composé par l’accusé ou les accusés, ou encore par leurs amis.
Au dire des auteurs des travaux, l’utilisation de ces chansons, de ces paroles et de ces vidéoclips « est particulièrement controversée » en raison de questionnement quant à la fiabilité du rap comme preuve. Les détracteurs de cette méthode affirment aussi que son utilisation est hautement préjudiciable.
Malgré une multiplication des critiques, lit-on encore dans l’étude, il existe bien peu d’encadrement ou de surveillance de la façon dont le rap est utilisé comme preuve dans un contexte de poursuite criminelle, et ce genre musical continue d’être employé pour « créer des dossiers de poursuite « liés aux gangs » en vertu de lois controversées ».
Par ailleurs, jugent les chercheurs, l’étiquette de « gang », qui a souvent été jugée comme étant imprécise et raciste par certains responsables de l’application des lois, est souvent « sous-tendue » par la musique rap, habituellement pour organiser des poursuites en vertu desquelles plusieurs personnes sont accusées du même crime.
Les trois auteurs de l’étude, Eithne Quinn, Erica Kane et Will Pritchard, soutiennent que leurs travaux ont mis au jour des « procédés particulièrement inquiétants d’injustice en cascade », en vertu desquels des personnes innocentes risquent d’être condamnées pour des crimes particulièrement graves.
Des dizaines de cas en trois ans
Les chercheurs disent avoir découvert, entre 2020 et 2023, 68 cas, impliquant 252 accusés, lors desquels le rap a été utilisé comme preuve pour justifier des accusations graves de violence – y compris des meurtres. La très grande majorité des accusés étaient des Noirs ou des métis.
Ce type d’accusations, incluant de la musique rap, concernent généralement davantage d’accusés, en moyenne, que ceux sans liens avec ce genre musical. Au dire des auteurs des travaux, cela prouve que le rap sert d’encouragement au fait de déposer trop d’accusations, et au fait de déposer des accusations erronées.
Dans ce genre d’affaire, affirme-t-on, les accusés, y compris ceux qui risquent la prison à vie pour meurtre, sont habituellement jeunes et noirs, « ce qui porte à croire que ces groupes sont ciblés de façon disproportionnée ».
« Cela confère de la véracité aux allégations de ceux affirmant que l’augmentation du nombre d’affaires impliquant du rap est un phénomène raciste, ces mêmes personnes qui évoquent la surcriminalisation des jeunes, y compris des enfants », écrivent les chercheurs.
« Nos conclusions sont profondément troublantes, et viennent soutenir l’idée selon laquelle l’utilisation de la musique rap dans des affaires criminelles encourage la police et les procureurs à augmenter le nombre de personnes accusées, en vertu de lois qui sont déjà excessives », mentionne Eithne Quinn, professeur d’études culturelles et sociolégales à l’Université de Manchester.
De son côté, Liz Fekete, directrice du Institute of Race Relations, affirme que « les chercheurs ont révélé le racisme inhérent à la loi et suggéré des réformes ciblées pour mettre fin à la criminalisation de la culture noire ».
« La musique rap est l’un des genres musicaux les plus populaires du Royaume-Uni – il est temps de mettre fin à la marginalisation et à la mise au ban de ses créateurs via son utilisation comme preuve lors d’un procès. »