Deux ans plus tard, la suite et la fin: après une première partie présentée en 2022, voilà que l’Usine C et Angela Konrad récidivent avec les deuxième et troisième tomes de la trilogie littéraire Vernon Subutex, ici adaptés pour les planches.
Condamné à l’indigence en raison de l’arrivée des plateformes d’écoute en ligne et des fichiers numériques de tout acabit, notre personnage principal, anciennement disquaire et disc-jockey de son état, est maintenant dans la rue, après avoir écumé (et lentement détruit) toutes ses relations de longue date.
Mais ces amis, eux aussi confrontés au passage du temps et au délitement de la société, n’en ont pas fini avec le personnage interprété par un David Boutin au cheveu gras et aux yeux soulignés d’un trait de khôl. Torse nu, en apparence constamment sonné par cette nouvelle réalité qui n’a de cesse de vouloir le faire disparaître, Subutex devient peu à peu un genre de prophète du dimanche, apôtre d’un certain nihilisme, voire d’un nihilisme certain.
Tout ce beau monde défile sur scène, et force est d’admettre que si on souhaitait connaître effectivement la suite des aventures de ce Subutex symbole d’une époque disparue, rarement aura-t-on ressenti si peu de choses devant ces acteurs.
Non pas que le texte soit mauvais, ou que les comédiens ne soient pas à la hauteur. Simplement, il est clair que Mme Konrad, qui signe ici l’adaptation et la mise en scène, a clairement eu les mains en partie liées pour boucler les deux derniers volets de la trilogie en moins de temps que l’on avait consacré au premier volume, en 2022. On peut effectivement blâmer le manque d’investissements du gouvernement du Québec dans la culture, ce que l’équipe de la pièce – et de l’Usine C en général – ne se privera pas de faire, après la tombée du rideau, mais malgré tout, en faisant défiler trop de personnages pour leur consacrer trop peu de temps, on perd l’intérêt. D’autant plus que les mêmes comédiens jouent souvent deux, trois, voire quatre rôles… Ce n’est rien contre Paul Ahmarani, qui s’en tire toujours très bien, par exemple, mais on finit par mélanger les rôles.
Soulignons aussi l’utilisation aussi inutile qu’insultante d’un fatsuit pour déguiser une comédienne en itinérante obèse et ivrogne. En 2024, soit l’on embauche une comédienne ayant le physique de l’emploi, soit l’on réécrit le personnage pour l’adapter à la personne déjà choisie.
On ne sait trop que faire de ces parties 2 et 3 de Vernon Subutex; peut-être aurait-on dû revoir l’intégrale, une formule qui est d’ailleurs offerte les samedis, pour un petit sept heures de théâtre bien tassées. Présentée seule, la conclusion de l’oeuvre est tout simplement ordinaire, malheureusement.
Vernon Subutex
Texte de Virginie Despentes, adapté et mis en scène par Angela Konrad
Avec Paul Ahmarani, David Boutin, Anne-Marie Cadieux, Violette Chauveau, Samuël Côté, Philippe Cousineau, Blanche-Alice Plante, Dominique Quesnel et Mounia Zahzam
Jusqu’au 18 mai, à l’Usine C