Les attaques contre les personnes trans reviennent souvent dans l’actualité et les arguments qui prétendent s’appuyer sur la science ne sont jamais loin. Or, en Amérique du Nord, ces arguments, employés par des élus et des militants, déforment le discours scientifique de trois façons différentes.
En 2023, 500 lois anti-trans ont été proposées ou adoptées aux États-Unis, peut-on lire dans le magazine Scientific American, qui relaie une entrevue réalisée dans le cadre du balado Open Mind avec la professeure de droit Florence Ashley et la neuroscientifique Simon(e) Sun. Ces lois visent autant les spectacles de drag queens, que les soins médicaux d’affirmation de genre ou les politiques d’inclusion dans les écoles.
Or, pour défendre ces lois, les groupes anti-trans ont recours à trois types de désinformation: la sursimplification des connaissances scientifiques, la mauvaise interprétation des résultats d’une recherche et la promotion de fausses équivalences.
Par exemple, ils remettent en question la légitimité de l’identité trans en affirmant que, d’un point de vue biologique, il n’existe que deux sexes, souligne Simon(e) Sun. Cet argument repose sur le fait de réduire un phénomène complexe comme l’identité de genre à un seul trait caractéristique, le type de gamètes produit par un individu et suppose donc que deux catégories seraient suffisantes pour décrire l’ensemble des membres de la société.
La biologie n’est toutefois pas si simple, souligne la neuroscientifique. En effet, le type de gamète d’un individu ne peut pas déterminer son rôle sexuel ou sa personnalité.
Le dictionnaire de l’Association américaine de psychologie, de même que celui de l’Association américaine de psychiatrie, font aussi une différence entre « sexe » et « genre », et l’Association américaine des pédiatres de même que l’Association médicale américaine ont publié à ce sujet des lignes directrices.
Une utilisation inappropriée de la science
La professeure de droit Florence Ashley déplore également que certains militants interprètent incorrectement les données scientifiques de façon à dénigrer un groupe d’individus, là où il existe plusieurs interprétations de ces données. Une forme de « cherry picking », dit-elle,
Ces techniques connues des experts en désinformation ne sont toutefois pas nouvelles. Ce sont les mêmes qui ont été utilisées dans le passé pour justifier le racisme, le sexisme ou l’homophobie. Simon(e) Sun donne l’exemple des tests de QI, qui étaient employés pour démontrer la supposée supériorité d’un groupe par rapport à un autre, mais qui ne tenaient pas compte du contexte culturel ou du statut socioéconomique. Florence Ashley ajoute qu’on observe également un retour en force des mêmes arguments dans les débats sur l’avortement.
Les journalistes devraient être particulièrement prudents devant les allégations des militants qu’ils sont tentés de relayer sans autre forme de vérification. Par exemple, certains affirment que les personnes qui n’ont pas reçu une évaluation psychologique pour déterminer si elles sont vraiment trans risquent de regretter leur transition. Or, aucune étude n’a démontré l’utilité de ce genre de test, selon un article publié en 2023 par Florence Ashley et ses collègues dans la revue de l’Association américaine des psychologues.