Ah, Justice… Avec Cross, sorti en 2007, ce duo électro français a rapidement établi sa réputation comme groupe capable d’aller au-delà des conventions pour établir son propre style, mêlant synthétiseurs rétro, surprenantes références à la religion catholique et rythmes percutants qui décoiffent. Hyperdrama, lancé vendredi dernier, ne fait pas exception à la règle, même si le résultat peut parfois laisser à désirer.
Il faut dire que les attentes étaient élevées, pour Gaspard Augé et Xavier de Rosnay; le plus récent album studio, Woman, datait d’aussi loin que 2016, alors que le disque live qui a suivi, Woman Worldwide, fait danser depuis 2018. Oh, il y a bien eu Iris: A Space Opera by Justice, en 2019, mais depuis, plus rien.
Les amateurs rongeaient donc leur frein, et même le projet solo de Gaspard Augé, Escapades, lancé en 2021, offrait certes quelque chose de bien intéressant, mais ne se voulait certainement pas un remplacement à un disque du duo en bonne et due forme.
Dont acte: il a fallu attendre jusqu’à vendredi dernier, dans une année 2024 déjà bien avancée, pour renouer avec les sons du groupe. Et quels sons! Les extraits déjà publiés en ligne, notamment Generator, Incognito et One Night/All Night, cette dernière en collaboration avec Tame Impala, ont prouvé que Justice n’avait pas perdu sa capacité à offrir des sonorités qui frappent, qui vont pratiquement jusqu’à déranger, dont cette fantastique transition d’ouverture et de fermeture dans Incognito.
On appréciera aussi Mannequin Love, qui suit justement Incognito, et qui vient en quelque sorte boucler la boucle. Ou encore Saturnine, sorte de dessert musical avant l’ultime pièce de l’album, prosaïquement baptisée The End.
Mais pour le reste, il y a lieu de se demander si Hyperdrama porte bien son nom… On sent que nous sommes en attente, dans l’expectative. Mais dans l’attente de quoi, au juste? Dans l’attente de l’album live qui suivra inévitablement? Dans l’attente d’un arrimage avec les autres titres déjà connus du groupe? Dans l’attente d’un prochain disque, qui pourrait venir compléter celui-ci?
Autrement, ce nouvel album semble incomplet; on tente d’y marier musique électronique retentissante – avec même des relents de darksynth – et rythmes plus langoureux, mais la sauce ne prend pas vraiment. Oh, il n’y a rien de raté, ou de mauvais, dans ces 13 pièces. L’ensemble se laisse certainement écouter. Mais après huit ans d’attente, on aurait pu croire que Justice aurait mis le paquet pour nous reconquérir. Sont-ce nos attentes qui ont changé? Se satisfait-on maintenant de plusieurs pièces dont le rythme est franchement similaire, à l’opposé d’Alakazam!, Fire, Chorus, ou encore Heavy Metal, toutes tirées de Woman, justement?
Il n’y aura sans doute plus jamais de mégaclaque comme a pu l’être Cross, le premier album qui a tout cassé – ou encore ce Phantom Part 2 démentiel, sur A Cross The Universe – et permis à Justice de s’imposer dans la foulée de Daft Punk, qui était déjà sur le départ. Mais on se prend malgré tout à espérer que les prochains disques seront non seulement proposés plus rapidement, mais auront aussi davantage de coeur au ventre qu’Hyperdrama.