Entre Naïca, Keza, Safia et Chloé, c’est à la vie, à la mort; les quatre jeunes femmes noires partagent leurs joies, leurs peines, leurs coups de coeur et leurs coups de gueule, le tout sur les planches du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, dans la pièce S’enjailler.
Dans ce que l’on imagine être leur appartement montréalais partagé à quatre, les amies ont des échanges allant de l’essentiel au banal, voire quasiment du sacré au profane. Sexualité, santé, relations interpersonnelles ou avec sa famille, féminisme, qualité de la nourriture cuisinée par l’une ou par l’autre… tout y passe dans 90 minutes particulièrement tassées.
Sous la plume de Stephie Mazunya, qui est également l’une des quatre interprètes, S’enjailler est une transposition de la vie dans ce qu’elle a de plus vivant: dans une même journée, on peut rire, pleurer, se détester et s’adorer, s’interroger sur la notion de fréquenter un Blanc et se demander ce que l’on commande pour souper.
Pour le spectateur non initié, tout cela va d’ailleurs peut-être trop vite. Ou est-ce une question de référents culturels ou sociaux? Faut-il plutôt s’inquiéter du fait que ce journaliste, du haut de ses 37 ans, est déjà dépassé, condamné à ne pas comprendre une partie des discussions des plus jeunes?
Quoi qu’il en soit, ce n’est pas cet aspect qui pose problème, dans S’enjailler. Bien au contraire, il est rafraîchissant d’être confronté à quelque chose de nouveau, de différent, d’audacieux. Et la pièce, mise en scène par Sophie Cadieux, en collaboration avec Mathilde Boudreau, est certainement différente et audacieuse, il n’y a aucun doute là-dessus.
Non, ce qui pose problème, malheureusement, c’est que dans ce qui est possiblement une perspective d’intégrer le plus grand nombre d’aspects de cette vie collective à l’intérieur du temps imparti, on ne prend jamais le temps de ralentir, histoire que les comédiennes approfondissent des enjeux importants.
Un instant, on aborde ainsi la question de l’éveil à la sexualité, par rapport à une famille particulièrement conservatrice… avant de clore le sujet avec une blague de sex toy acheté sur Amazon. Ou, à une autre occasion, on parle des premiers amours, de l’importance de se protéger… et tout cela est mis de côté quelques minutes plus tard… alors même que l’on venait d’apprendre que la jeune femme ayant eu sa première relation sexuelle a en fait couché avec le précédent prétendant de l’une de ses amies.
À force de vouloir garder un rythme effréné, on en vient à se demander si l’on n’assiste pas à une version théâtrale d’une sitcom des années 1990, un genre de Watatatow sur les stéroïdes où tous les sujets un peu troublants sont concentrés en un seul épisode. Et cela est bien dommage pour S’enjailler, qui a autrement le mérite de sortir des sentiers battus.
S’enjailler, de Stephie Mazunya, mis en scène de Sophie Cadieux avec l’assistance de Mathilde Boudreau
Avec Naïla Louidort, Carla Mezquita Honhon, Stephie Mazunya et Malube Uhindu-Gingala
Présenté au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui jusqu’au 11 mai