Des insultes en ligne aux menaces de violences sexuelles, le harcèlement des parlementaires de Nouvelle-Zélande est en hausse, et se transforme en phénomène de plus en plus dérangeant, révèle une étude de l’Université d’Otago.
Les travaux, publiés dans Frontiers in Psychiatry, se penchent sur le harcèlement et la violence envers les élus fédéraux de ce pays d’Océanie durant la pandémie et la période de reprise, à la suite d’une étude similaire menée en 2014.
Sur les 54 élus qui ont participé, 98% disent avoir subi du harcèlement, allant des messages dérangeants à de la véritable violence physique.
La principale autrice de l’étude, la professeure Susanna Every-Palmer, du département de médecine psychologique, affirme que le harcèlement vécu par les élus a des coûts psychologiques importants et nécessite une réponse multifactorielle.
« La plupart des élus ont rapporté avoir vécu du harcèlement et des abus en lien avec la réponse du gouvernement face à la pandémie de COVID-19, comme les confinements et les obligations vaccinales. Plusieurs d’entre eux ont signalé que la fréquence et l’intensité de ces abus ont augmenté de façon marquée pendant la pandémie, mais n’ont pas diminué par la suite », a-t-elle déclaré.
Toujours selon la chercheuse, « de façon encore plus grave, les femmes étaient significativement plus à risque de subir certains genres de harcèlement sur les médias sociaux, y compris des abus genrés, des commentaires à saveur sexuelle, des menaces de violences sexuelles, ainsi que des menaces envers leur famille ».
Quelque 96% des participants ont été harcelés sur les médias sociaux, plus de la moitié y recevant des menaces, y compris des menaces de violences physiques (40%), de violence sexuelle (14%), des menaces envers les membres de la famille des élus (19%), envers les membres du personnel politique (12%), ou même des menaces de mort (27%).
Presque toutes ces formes de harcèlement ont pris beaucoup plus d’ampleur, comparativement à 2014.
Trois axes de peur
Lorsque les participants à l’étude ont décrit la nature et le contexte de ces gestes de harcèlement, trois thèmes se sont dégagés: une transformation du paysage avec la prolifération de la rhétorique raciste, misogyne et liée à l’extrême droite, en ligne; la peur que les répondants ou leurs proches soient attaqués, gravement blessés ou tués, et un sentiment que les appuis disponibles ne sont pas suffisants, avec des ressources qui ne permettent pas de suivre ce monde qui change.
Le coauteur de l’étude, le Dr Justin Barry-Walsh, affirme qu’une partie des impacts délétères survient dans le contexte de ce harcèlement déraisonnable – envers les élus, envers leurs proches, et envers leurs employés.
« L’étude démontre que les dégâts qui peuvent être provoqués par les misogynes et ceux qui sont prêts à exprimer ce point de vue. Cela soulève le risque de l’érosion de notre démocratie par la poursuite d’un tel harcèlement, particulièrement envers les femmes élues », dit-il.
Cependant, l’étude permet aussi d’obtenir des informations importantes à propos des services responsables de la sécurité et du bien-être des élus et de leur personnel, y compris la police et les services de sécurité parlementaires.
Toujours selon le Dr Barry-Walsh, « les travaux soulignent l’importance de disposer d’une réponse systémique et efficace face à ce problème, y compris le besoin de s’adapter à des menaces en transformation, en plus de potentiellement modifier nos lois. Le fait de disposer d’une approche cohérente face à ces menaces est important, y compris sous la forme d’une collaboration entre la sécurité parlementaire, la police et les organisations de protection de la santé mentale ».
Le chercheur persiste et signe: il ne suffit pas de simplement surveiller ce phénomène et d’en faire état. « Les élus ont été clairs sur le fait qu’ils ont besoin, en compagnie de leurs employés, de plus d’appuis et de ressources pour gérer ces menaces. Pour les nouveaux politiciens, la formation en désescalade, sécurité et cybersécurité devrait faire partie de ce qui est offert lors de l’entrée en poste, et des ressources devraient être rendues disponibles pour améliorer les mesures de sécurité au domicile et au bureau. »
De son côté, la Pre Every-Palmer espère que l’étude fera office de permission, pour les politiciens, afin qu’ils puissent reconnaître l’ampleur des difficultés auxquelles ils font face, en plus d’aller chercher l’appui et l’aide dont ils ont besoin, lorsqu’ils sont soumis à du harcèlement.
« Nous espérons que pour certaines personnes, cela viendra valider leurs expériences et confirmer ce qu’ils affirment depuis un certain temps. Nous souhaitons aussi que les élus ne minimisent pas l’importance et les impacts négatifs qui découlent du harcèlement – celui-ci se produit sur l’ensemble du spectre politique et ne devrait pas être un enjeu partisan », ajoute-t-elle.