Dans un grand appartement, un homme semble lentement mourir, atteint d’une maladie des os. À 93 ans, René semble juger que sa vie est terminée, alors que, couché dans son lit, il regarde la neige tomber lentement à l’extérieur. Dans Un coeur habité de mille voix, présenté à l’Espace Go, l’oeuvre de Marie-Claire Blais renaît sous la plume de Kevin Lambert.
Voilà donc que le dernier roman de l’écrivaine est transposé sur les planches… Un roman où il est question de résilience, d’abnégation, de nostalgie, mais aussi d’amour et de douceur.
Amour et douceur, oui, parce que le parcours de ces personnages n’a clairement pas été facile, entre oppression, opprobre, discrimination et faibles lueurs d’espoirs, dans un monde encore très largement hétérocentré et cisgenre. Dans cette perspective, ces femmes lesbiennes, heureuses de simplement exister, mais aussi animées d’une fougue revendicatrice, détonnent.
Sur scène, ces individus, dont les traits sont affectés par le passage du temps, alternent entre une modernité à la fois libératrice et fragile, et un passé doucereux, une époque faite de luttes et de revers, mais à travers laquelle s’est tissé une véritable communauté.
Dans cette pièce tranquille, voire lente, la mise en scène de Denis Marleau et de Stéphanie Jasmin permet d’éviter que l’ensemble ne devienne statique, notamment avec l’utilisation d’un caméraman pour projeter l’image de l’une des interprètes sur un gigantesque écran géant, à l’arrière de la scène.
En suivant un texte parfois quelque peu ampoulé, les comédiens déploient devant nos yeux un monde complexe, à l’image des luttes menées par ceux et celles qui ont tout donné pour faire reconnaître leurs droits. Avec, en finale, des images tirées de l’actualité récente, où il est démontré, fort heureusement, que la flamme brille toujours.
Un coeur habité de mille voix, de Kevin Lambert, selon un texte de Marie-Claire Blais; mise en scène de Denis Marleau et Stéphanie Jasmin, avec Élisabeth Chouvalidzé, Pascale Devrillon, Nadine Jean, Louise Laprade, Sylvie Léonard, Jean Marchand et Christiane Pasquier
À l’Espace Go jusqu’au 28 avril