Dès dimanche, les adolescents de la grande région de Montréal pourront de nouveau plonger dans l’univers fascinant des arts de la scène, dans le cadre du Festival de la Rencontre Théâtre Ados. Dans le cadre de sa dernière participation à l’événement, la directrice générale et artistique de l’événement, Sylvie Lessard, ne cache pas son enthousiasme. Rencontre.
« On est très, très, très nerveux, ici, parce que c’est toujours excitant d’accueillir 6000, 7000 ados pendant deux semaines; c’est notre cadeau de l’année que d’accueillir nos invités », a-t-elle lancé au bout du fil, dans le cadre d’une entrevue accordée à Pieuvre.
Pourquoi cette nervosité, au juste, même après tant d’années? « C’est toujours l’effervescence… En fait, c’est davantage de l’effervescence que de la nervosité, mais quand même, nous ne sommes pas à l’abri d’une journée de verglas, ou d’écoles fermées, d’une panne d’électricité, d’un groupe scolaire qui s’est trompé de journée pour venir voir son spectacle », énumère Mme Lessard en riant.
L’événement prévoit notamment huit spectacles en journée pour le public scolaire, ainsi que quatre représentations en soirée, destinées au grand public, selon la formule intitulée Sors ton Ado. On offre ainsi un deuxième billet à 50% de rabais, pour inciter les parents à assister à des pièces en compagnie de leurs enfants âgés de 12 à 17 ans.
Après 28 ans aux commandes, Sylvie Lessard dit par ailleurs quitter avec le sentiment du devoir accompli. « Je me sens très bien; ce n’est pas évident de quitter une organisation que l’on a fondée, il y a tant d’années. Et ça a pratiquement été la seule job que j’ai eue dans ma vie. Je vais m’en aller vers d’autres ailleurs… Quand j’étais avec mon groupe d’amis, en 1994, 1995, et que nous réfléchissions à ce que nous pouvions faire à Laval, nous, un groupe de jeunes acteurs, en faveur du théâtre pour ados », a-t-elle mentionné.
« Je crois que mon rêve, à ce moment-là, c’était que cet événement devienne une référence, un moment pour le théâtre de création, pour un public ado. À cette époque, il n’y avait que trois compagnies théâtrales, au Québec, qui se consacraient au théâtre pour adolescents. Faire un festival avec trois compagnies… faut avoir une vision! On en avait, et aujourd’hui, une centaine de projets sont proposés pour le public adolescent. »
Mme Lessard dit avoir complété un cycle: « On dirait que je suis rendue à la fin de mes idées. Ça a pris 28 ans et beaucoup de résilience, de confiance… Mais on dirait que depuis deux ans, j’ai le sentiment d’avoir accompli ce que je voulais faire, dans cette organisation-là; je souhaite que cela soit la plus belle expérience qui soit pour la prochaine personne qui sera à la tête de l’organisation, qui aura d’autres idées, évidemment. »
Des thèmes adultes, mais pour ados
Choisir le bon ton – et les bons sujets – est toujours un peu délicat, lorsque l’on programme des événements culturels pour adolescents. Mais Mme Lessard est très satisfaite de la cuvée de spectacles pour l’édition 2024 du festival, notamment Merci d’être venus, de la compagnie Le Complexe, qui « parle de santé mentale, de suicide… c’est une histoire très personnelle de la part du créateur du spectacle, Gabriel Morin ».
« Quand nous avons vu ce spectacle, il y a trois ans, il s’agissait d’un spectacle pour adultes, mais nous nous sommes demandé s’il existait un angle à adopter pour les adolescents. »
Sylvie Lessard est d’ailleurs très directe lorsque vient le temps d’expliquer les critères de sélection des oeuvres théâtrales à présenter durant le festival: « Le bon spectacle pour le bon public. »
« On a quelqu’un, ici, Mélanie Goyette, qui s’occupe du développement des publics, et qui est très sensible à la clientèle scolaire », mentionne Mme Lessard, avant d’ajouter que le personnel du festival a aussi accès, depuis quelques années, à « une formation en développement psychologique chez les ados ».
L’objectif, poursuit la directrice générale et artistique, consiste à ne pas infantiliser le public, tout en évitant de lui proposer quelque chose de trop complexe. Tout un défi, alors que les perspectives sont forcément très différentes, que l’on soit en première ou en cinquième secondaire, par exemple.
« Déjà, les élèves de cinquième secondaire ne sont plus au secondaire; ils sont rendus au cégep et ils ne veulent pas se faire traiter d’adolescents… Ils sont rendus ailleurs », ajoute Mme Lessard.
« Ils sont rendus des adultes dans leur tête, mais peut-être pas dans leur corps. »
Dans ce contexte, chaque classe a droit à une rencontre préparatoire, avant un spectacle, qui sera modulée en fonction de la production. « Par exemple, on a un projet de théâtre de mouvement, cette année; nos médiateurs culturels vont aller en classe et faire bouger les jeunes, pour leur faire entrer le spectacle dans le corps. »
« Dans un autre projet comme Merci d’être venus, qui s’adresse à des plus vieux, on va parler de sensibilité, d’histoires de famille. Je trouve que parler à l’intelligence des ados, ça nous amène à avoir des spectateurs beaucoup plus proactifs, dans la salle », a encore mentionné Sylvie Lessard en entrevue.
« Ils sentent qu’ils ont été accompagnés, et le projet leur parle davantage, également. » Et à la suite des représentations, les créateurs des oeuvres viennent rejoindre le public pendant une vingtaine de minutes, afin de répondre à leurs questions. Histoire, encore une fois, d’aller au-delà du théâtre, histoire de maximiser les liens entre les jeunes et l’art.
Le Festival de la Rencontre Théâtre Ados, du 14 au 27 avril 2024 à la Maison des Arts de Laval.