Les adultes qui jouent quotidiennement à des jeux vidéo ont bien plus de chances de faire partie de la classe ouvrière que de la classe moyenne, révèle une nouvelle étude. Si, à l’adolescence, le temps consacré à ce divertissement est similaire, à partir de l’âge de 20 ans, les membres de la classe moyenne se concentraient davantage sur leur carrière, affirment les chercheurs.
Les auteurs des travaux, Xiaobin Zhou, le Dr Adrian Leguina et la professeure Paula Saukko, de l’Université de Loughborough, ont ainsi interviewé 37 joueurs et analysé des données de sondage portant sur 3357 Anglais âgés de 16 à 34 ans.
À partir du coup de sonde, les chercheurs ont constaté que chez les gens âgés de 20 à 24 ans, 8,7% des gens travaillant dans des postes de gestion plus importants, ou encore occupant des emplois professionnels de plus haut niveau, jouaient à des jeux vidéo tous les jours, comparativement à 20% de ceux qui occupent des postes plus routiniers ou manuels.
Pour les 25 à 34 ans, ces proportions passent à 8,7 et 13%, respectivement.
Selon Xiaobin Zhou, après l’âge de 20 ans, « la proportion de ceux qui jouent quotidiennement diminue de façon draconienne chez les membres de la classe moyenne, ce qui contraste avec l’autre groupe, où ce déclin est considérablement moins marqué ».
Lors de ses rencontres avec les 37 joueurs, le chercheur dit avoir constaté que « le temps consacré au jeu par la plupart des participants de la classe moyenne et des groupes supérieurs a graduellement diminué en raison des responsabilités éducatives ou professionnelles. Ils considèrent le contrôle de soi comme un accomplissement important, et ont souligné avoir atteint un équilibre entre les jeux vidéo, en tant que loisir, et la vie normale ».
Toujours selon ce spécialiste, cette habitude d’autodiscipline a « probablement été inculquée au sein d’institutions scolaires des niveaux supérieurs, ainsi que dans les milieux de travail. Cela affecte le temps consacré aux jeux vidéo par les participants, tout en renforçant leur carrière et leur positionnement économique ».
À mesure que les membres de la classe moyenne quittaient le domicile familial pour les études ou le travail, ils ont de moins en moins joué en groupe, ou sont passés au jeu solo, ce qui leur a permis d’intégrer ce divertissement dans leur horaire quotidien chargé, poursuit-on dans l’étude.
Des changements moins marqués
Chez les membres de la classe ouvrière, toutefois, les habitudes se sont moins transformées lors du passage à l’âge adulte, puisque leur situation est demeurée la même.
« Les participants membres de la classe ouvrière, plus spécialement ceux qui sont toujours aux études ou qui ne travaillent pas à temps plein, ont souvent continué de jouer plus fréquemment et pendant des périodes prolongées, lorsqu’ils sont passés au début de la vie adulte », mentionne M. Xiaobin.
« Certaines personnes avaient une opinion négative de leurs habitudes de jeu, et jugeaient qu’elles consacraient probablement trop de temps à ce loisir, ce qui pourrait être moins bon pour la santé, mais tentaient rarement de changer ces façons de faire. Le fait de ne pas adopter de nouvelles habitudes de jeu plus strictes pourrait les rendre conscients de ces habitudes, ou encore les rendre honteux. »
Toujours dans le cadre de l’étude, il a été constaté que les participants membres de la classe ouvrière, qui demeuraient souvent dans le même cercle social tout au long de leur vie, soulignaient la solidité des liens tissés en jouant avec les mêmes amis. Cela les encourageait à jouer davantage.
L’un des participants de cette étude, membre de la classe ouvrière, a confié au chercheur qu’il consacrait environ huit heures par jour aux jeux vidéo, « peut-être plus, peut-être moins, en fonction de si ma séance se passe bien. Ce n’est probablement pas une durée qui est saine, mais pour moi, ça me fait du bien ».
De son côté, une personne appartenant à la classe moyenne a déclaré « aimer pouvoir jouer davantage, et y consacrer plus de temps, mais je sais que ce n’est pas la chose la plus importante dans ma vie, en ce moment, alors ce loisir va toujours prendre un pas de recul par rapport à autre chose ».
Au dire de Xiaobin Zhou, il s’agit de la première étude à se concentrer sur la transition entre l’adolescence et l’âge adulte. « Nous pouvons voir les travaux sur les jeux vidéo se multiplier depuis deux décennies, mais l’impact de la classe sociale sur les jeux vidéo a fréquemment été ignoré. »